e "Sauternes finish" sans certificat d'authenticité, c’est fini. À la mode depuis une dizaine d’années, l’affinage des spiritueux dans des tonneaux ayant contenu d’autres alcools (finition ou finish) alimente la demande autant que la valorisation des barriques dans le vignoble sans qu’il y ait de réelles garanties pour l’acheteur (autres qu’un contrat de confiance). Pour professionnaliser un marché utilisant son indication géographique, l’appellation Sauternes et Barsac lance l’outil "Sauternes Cask" (ou fût de Sauternes) pour certifier qu’une barrique usagée a bien contenu un vin liquoreux AOC pendant un cycle d’élevage au moins avant d’être utilisée pour un finish (cognacs, whiskies, rhums… mais aussi bières).
Organisme de Défense et de Gestion (ODG), le syndicat viticole de Sauternes et Barsac opte pour une gestion de la source en authentifiant ses barriques selon le modèle du "Sherry Cask" lancé en 2015 par le Consejo Regulador de los Vinos de Jerez (ou l’ODG de l’appellation Xérès). Responsable du projet "Sauternes Cask", Vincent Craveia, le chef d’exploitation du château Roumieu (Barsac) défend deux ans de réflexion pour aboutir à une démarche volontaire, mais contraignante. L’authentification "Sauternes Cask" impose deux visites d’un organisme certificateur pour chaque fût souhaitant bénéficier du QR Code d’identification. Lors de la première visite, le contrôleur identifie la barrique comme étant dans les chais d’un domaine de l’aire AOC et contenant un vin liquoreux. Six mois après au moins, la deuxième valide l’authentification en vérifiant que ces trois caractéristiques n’ont pas évolué. Le but étant d’« avoir la certitude que la barrique a contenu du Sauternes, est passée à Sauternes et a été détenue par un opérateur de Sauternes » résume Vincent Craveia.


Alors que la charge administrative est au cœur des débats agricoles ce début 2024, l’ODG précise avoir simplifié au maximum le dispositif. « L’authentification est couplée avec la déclaration de revendication pour réduire la charge. C’est un outil réfléchi par les vignerons, pour les vignerons » indique Jean-Baptiste Fontaine, le directeur de l’AOC Sauternes et Barsac. « C’est une démarche volontaire, il y a quelques contraintes qui sont loin d’être insurmontables. Il faut être sérieux pour répondre aux attentes des grands groupes de spiritueux » ajoute Vincent Craveia, qui ne souhaite pas préciser le coût d’authentification à la barrique, comme il est appelé à évoluer avec le calage de cette première. Mais pour les châteaux, il faut reconnaître que le jeu en vaut économiquement la chandelle, alors que les vins de Sauternes ont connu des années difficiles commercialement.
Par rapport à la classique réutilisation peu valorisée des fûts usagés pour de la jardinerie ou de la décoration, la revente à des producteurs de spiritueux souhaitant afficher un finish permet de rentabiliser efficacement une barrique. Vincent Craveia note que ce recyclage permet de revaloriser une barrique juste en dessous de la moitié de son prix d’achat. « C’est loin d’être neutre » pointe-t-il, en tirant l’importance de proposer une garantie d’authenticité aux acheteurs. Si l’ODG indique ne pas avoir connaissance de mauvaises pratiques ou de détournements de l’AOC, elle préfère anticiper en rassurant les producteurs de spiritueux.
Lancée il y a un mois, la première session d’authentification est déjà à 65 % de son objectif, avec approximativement 700 barriques en certification. « Nous sommes surpris par l’intérêt que suscite la démarche. Cela va de la petite propriété au grand cru classé » indique Vincent Craveia, qui ne peut chiffrer l’ampleur des reventes de barriques dans le sauternais. Si l’on évoque 75 étiquettes reprenant le "Sauternes finish", aucun recensement exhaustif n’existe, l’usage étant mondialisé. Volontaire, l’initiative "Sauternes Cask" espère devenir la norme d’elle-même pour structurer l’offre et la professionnaliser. La création d’un parc de barriques authentifiés pouvant aboutir à des mercuriales, actuellement inexistantes.


« Le but de l’authentification est de rassurer les acheteurs avec un fût présent à Sauternes par un opérateur de Sauternes avec du Sauternes. C’est par la source que l’on va rationnaliser le marché » reprend Jean-Baptiste Fontaine, notant qu’une valorisation conséquente implique des garanties pour répondre à la demande d’un segment premium. Le vieillissement en fûts ayant contenus du Sauternes apporte rondeur et sucrosité pointe Vincent Craveia, pour qui le finishing Sauternes se reconnaît. Si le QR Code d’authentification "Sauternes Cask" est infalsifiable, il ne peut indiquer le nombre de réutilisation d’un fût ou indiquer une péremption pour un tonneau usé jusqu’à la corde. Mais comme la typicité apportée est finalement éphémère, les spiritueux absorbant rapidement ces arômes liquoreux, « il n’y a aucun intérêt à surutiliser les fûts de Sauternes pour des spiritueux premiums » estime Vincent Craveia, qui appelle à la responsabilité de chacun.
Outil d’authentification de l’amont, l’outil pourra renforcer la veille des usurpations de l’AOC Sauternes à l’aval. Pour la lutte contre les fraudes, « la pratique du finishing répond d’abord à une réglementation. L’authentification des tonneaux n’empêche pas d’être vigilant sur ce qui se passe sur les linéaires avec l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) et la Direction Générale de la Répression des Fraudes (DGCCRF). Nous ajoutons un outil supplémentaire » explique Jean-Baptiste Fontaine