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Analyser la résistance du mildiou dans les vignes pour mieux piloter leur protection
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Retour d'expérience
Analyser la résistance du mildiou dans les vignes pour mieux piloter leur protection

Quelques entreprises proposent aux vignerons des tests pour mesurer la présence de souches résistantes aux fongicides dans leurs parcelles. Un outil précieux pour comprendre certains échecs et définir des programmes de traitements adaptés.
Par Pauline Orban Le 14 décembre 2023
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Analyser la résistance du mildiou dans les vignes pour mieux piloter leur protection
Symptômes de mildiou sur feuilles. Face aux attaques, des vignerons font faire des analyses de la résistance du pathogène aux fongicides - crédit photo : Christelle Stef
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ébut juin, Simon Coussirat, vigneron à Lucq-de-Béarn dans les Pyrénées-Atlantiques est dévasté. En pleine floraison, quatre jours après l’application de son dernier traitement, il subit une attaque fulgurante de mildiou sur les fleurs et toutes les jeunes feuilles. « C’était d’autant plus incompréhensible que la parcelle la plus touchée se trouvait en haut d’un coteau, dans une zone plutôt aérée. C’était la première année que je voyais une telle sortie de taches », s’exclame le vigneron.

Des tests qui révèlent une forte résistance aux QiI

Face à un tel désastre, Simon Coussirat appelle Hervé Quénin, agronome et président de la société Gong-éco, avec lequel il travaille depuis trois ans. Analyse du calendrier de traitements, relevés de pluviométrie, observations sur le terrain : l’agronome mène l’enquête. Résultats ? « À ce stade, il n’y avait eu que des contaminations primaires de mildiou, pas de pluviométrie excessive, mais une corrélation entre la sortie de taches et l’application d’un produit à base de cyazofamide couplé à des phosphonates », rapporte Hervé Quénin.

Ce dernier prélève une trentaine de feuilles infestées sur la parcelle de Simon Coussirat et envoie l’échantillon pour analyse génomique. Huit jours plus tard, le verdict tombe. « La parcelle présente une très forte résistance aux QiI, famille chimique dont la cyazofamide fait partie, rapporte le vigneron. J’ai immédiatement proscrit tous ces produits de mon programme de traitements. Et pour la saison prochaine, je ferai de même. Je prévois d’appliquer de l’amétoctradine au moment de la floraison, une molécule de la famille des QioI, pour laquelle les analyses ne révèlent aucune résistance pour le moment. »

"Les analyses ont confirmé mes doutes"

À quelques kilomètres de là, à Cardesse, Julien Sorli a mis deux ans avant de soupçonner que la cause de ses déboires était liée à la résistance à la cyazofamide. « En 2021, j’ai perdu 20 % de la récolte sur une parcelle. J’avais renouvelé un traitement tardivement. Je me suis donc dit que c’était l’explication. Mais, en 2022, j’ai eu une attaque fulgurante de mildiou sur grappes dans mes 9 ha sept jours seulement après la dernière application de cyazofamide. Là, j’ai compris qu’il y avait un problème d’efficacité de cette matière active. D’autant plus que la pluviométrie des jours précédents le traitement n’était pas délirante. Je me suis empressé de faire des prélèvements sur la parcelle la plus touchée et les résultats des tests génomiques ont confirmé mes doutes. »

En 2023, Julien Sorli en a tiré les conséquences. « On a sorti la cyazofamide de notre programme et évité tous les produits à base d’amisulbrom, une molécule de la même famille. Pour encadrer la fleur, on a appliqué du Mikal, un produit à base fosétyl-al et de folpel, pour lequel il y a peu de résistance. On a eu zéro perte de récolte », rapporte le vigneron soulagé.

« 2018, 2020, 2021 », Nathalie Chatonnet, la propriétaire exploitante du Château Belle Nauve, à Saint-Laurent-des-Combes, en a connu des années à forte pression de mildiou, mais elle a toujours sauvé sa récolte. Jusqu’à 2023, où elle s’est fait surprendre. « On a eu des contaminations de mildiou dès le début du mois de juin, directement sur grappe, alors que l’on a appliqué le même programme de traitement que les années précédentes, confie-t-elle. Sur les merlots, j’ai perdu jusqu’à 40 % de la récolte. »

Pour éviter de se retrouver dans la même situation en 2024, Nathalie Chatonnet a fait appel à la société BaaS pour rechercher d’éventuelles résistances aux fongicides. Reçus la veille de la vendange, les résultats sont sans appel. « 95 % des souches prélevées sont résistantes aux CAA. Or, le 26 mai, j’avais justement appliqué un produit à base de mandipropamide qui est un CAA », rapporte Nathalie Chatonnet.

Des programmes de traitement revus

Les analyses ont également mis en évidence, pour la moitié des souches prélevées, des résistances aux QiI, famille chimique de l’amisulbrom et de la cyazofamide. Sachant cela, la vigneronne envisage pour la saison prochaine « de supprimer les produits à base de CAA, d’éviter si possible les QiI et de privilégier les molécules multisites comme le cuivre ou autres biocontrôles qui n’induisent pas de résistances ».

Jean-Christophe Gerardin, technicien viticole au sein de l’entreprise Etourneaud, en Charente, propose depuis deux ans un suivi des résistances au mildiou par la société BaaS, à ses clients. « Pour comprendre une attaque foudroyante de mildiou à un instant T, mais aussi pour adapter un programme de traitement l’année suivante en fonction des résistances présentes sur une exploitation. L’un de mes clients s’est retrouvé avec une résistance au fluopicolide, alors qu’il n’en avait jamais appliqué. La gestion des résistances au mildiou doit absolument se faire au niveau d’une zone. C’est un élément clé dans la lutte contre le pathogène », rappelle-t-il.

Un problème en hausse

En 2023, la société Phloème a procédé à des suivis de résistance aux fongicides chez une trentaine de vignerons en Gironde. « Deux substances actives ont vu leur taux de résistance exploser : le fluopicolide et l’amétoctradine, dévoile Nathalie Poppe, la responsable technique. Cette année, 100 % des échantillons que nous avons prélevés présentent une résistance au fluopicolide, un chiffre en constante augmentation depuis 2019. Même constat avec l’amétoctradine. Un échantillon sur deux est résistant à cette substance active, alors qu’en 2022, 15 % seulement des prélèvements l’étaient. » Jérémie Brusini, président de BaaS (Biology as a Solution), fait des observations similaires. Sur les quarante échantillons que sa société a prélevés en Gironde, dans les Charentes et dans le Gers, plus de la moitié présente des résistances aux QiI, alors qu’en 2021, seul un échantillon sur quatre était concerné. « Les résistances aux CAA ont encore progressé avec des niveaux pouvant atteindre 90 % des prélèvements, ajoute-t-il. Quant aux molécules plus récentes, comme la zoxamide ou l’oxathiapiproline, il n’y a pas encore de souches résistantes, malgré la forte pression de mildiou de 2023. Mais il faudra suivre ces substances à l’avenir. En Espagne, où le nombre d’applications de zoxamide n’est pas limité comme en France, un échantillon sur cinq s’avère résistant à la molécule. »

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