lace à la biologie moléculaire. Première sur ce créneau, Biology as a solution (Baas) propose aux vignerons de quantifier le niveau de résistance du mildiou à différentes familles chimiques par une analyse de l'ADN de ce parasite. « C'est un outil très puissant qui repère les souches porteuses des mutations à l’origine des résistances », assure Jérémie Brusini, le président de cette start up.
L'intérêt ? Selon Baas, en fin de saison, une fois tous les traitements terminés, cette analyse donne une idée de la situation des résistances pour mieux raisonner son programme de traitement l’année suivante. L’analyse peut également être intéressante en cours de saison pour comprendre un échec de traitement.
Pour la réaliser, Baas fournit un kit permettant la collecte de 40 à 60 taches de mildiou que l'on place dans un tube. A l'intérieur se trouve un liquide qui permet de conserver l’ADN du parasite. « Nous recommandons à ceux qui font le même programme sur tout leur domaine de prélever des taches dans plusieurs parcelles pour que l’échantillon soit le plus représentatif possible », précise Jeremie Brusini. Le vigneron reçoit le résultat un mois plus tard. Comptez 500 € pour l’analyse.
Biology as a Solution a lancé ce service cette année. Et a vendu une quarantaine de tests. "On espère en commercialiser davantage en 2022", indique Jeremie Brusini. Pour en démontrer l'intérêt, l'entreprise a publié sur son compte Facebook les résultats issus d’un panel de 24 exploitations, situées principalement dans le Sud-Ouest. Des exploitations chez qui Biology as a solution a fait des essais ou qui ont acheté le test cette année. Les prélèvements ont été effectués en juillet et août.
Les résultats montrent que la résistance aux CAA (benthiavalicarbe, diméthomorphe, iprovalicarbe, mandipropamide et valifénalate) est fortement implanté avec 76 % de souches résistantes en moyenne. « Dans certaines situations, le niveau dépasse même les 90 % », commente Jérémie Brusini.
Ensuite vient la résistance aux QoI avec 26 % en moyenne. Un chiffre qui reste élevé alors que les fongicides de cette famille ne sont plus utilisés contre le mildiou. Pour les QiI (amisulbrom, cyazofamide), le niveau de résistance atteint 15 % en moyenne. Pour l’amétoctradine, il est de 7,6 %. Pour l’oxathiapiproline, il est de 1,3 % en moyenne et pour la zoxamide de moins d’1 %.
Des résultats surprenants ? Non selon les experts. « L’occurrence de la résistance aux CAA est globalement élevée », indique ainsi la note technique Maladies de la vigne 2021. Ce que confirme Béatrice Bacher, responsable marketing fongicide vigne chez BASF, la firme qui commercialise le diméthomorphe. « Nous réalisons des monitorings depuis plus de 20 ans. Ils montrent que l’on a effectivement une dérive de sensibilité du mildiou aux CAA, avec 65 à 70 % de souches résistantes. Mais cela n’impacte pas l'efficacité de ces matières actives dès lors qu’elles sont utilisées en préventif. Les viticulteurs continuent d’utiliser du diméthomorphe de manière conséquente. Si son efficacité était fortement impactée par les souches résistantes, ils n’y auraient plus recours », insiste-t-elle tout en rappelant qu'il faut se limiter à deux applications maximum et non consécutives de CAA par saison, qu'il ne faut pas appliquer ces produits en curatif, ni en dernier traitement.
Pour l’amétoctradine, BASF observe 6 % de souches résistantes dans ses monitorings, un taux assez proche de celui annoncé par Baas. Mais là encore, sur le terrain, « l’amétoctradine garde une très bonne efficacité dès lors qu’elle est appliquée en préventif », assure Béatrice Bacher.
De son côté, Belchim reconnaît qu'avec les tests ADN « on peut avoir jusqu’à 20 % de souches résistantes à la cyazofamide mais sur ces 20 % on ne sait pas combien sont viables. Pour cela, il faut compléter par une analyse biologique. Et surtout cela ne témoigne pas forcément d’une perte d’efficacité au champ, car la cyazofamide n’est jamais appliquée seule. Elle est associée à du disodium phosphonate dans Mildicut qui lui n’est pas sujet à des résistances », observe Nicolas Fillot, chef marché vigne chez Belchim.
De même, Corteva qui commercialise l'oxathiapiproline (Zorvec) insiste sur la nécessité de respecter les préconisations d'emploi pour éviter toute dérive : association systématique avec le produit partenaire, positionnement en préventif à raison de deux traitements maximum par saison. "Lorsque ces préconisations sont mises en oeuvre, le mode d'action est durablement préservé. Malgré un contexte épidémique compliqué, Zorvec a montré une excellente efficacité au champ et aucun phénomène de résistance", indique la firme.
Pour le moment, l’analyse par biologie moléculaire permet de renseigner le niveau de résistance aux six familles chimiques suivantes :benzamides (zoxamide), CAA (benthiavalicarbe, diméthomorphe, iprovalicarbe, mandipropamide, valifénalate), OSBPI (oxathiapiproline), QiI (amisulbrom, cyazofamide), QioI (amétoctradine), QoI (azoxystrobine, pyraclostrobine).En revanche, il ne permet pas de déterminer le niveau de résistance du mildiou au fluopicolide, ni aux anilides. Pour cela, il faut continuer à utiliser les tests biologiques classiques qui consistent à traiter des disques de feuilles avec le produit que l'on veut évaluer puis à leur inoculer le mildiou pour finir par mesurer la qualité de la protection que ce produit apporte.