a désalcoolisation peut-elle faire partie de l’univers des vins d’appellation ? La réglementation européenne ayant récemment ouvert la voie des Indications Géographiques (IG) aux vins désalcoolisés (0,5 à 8,5°.alc), l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) retourne la question dans tous les sens. N’ayant pas arrêté de réponse définitive ce jeudi 30 novembre, le Comité National des Appellations d'Origine relatives aux Vins (CNAOV) se dote d’une approche d’expérimentation pour se positionner à terme. « On a énormément de questions et peu de réponses à ce stade » résume Christian Paly, le président du CNAOV au sein de l’INAO, qui évoque l’impact inconnu de la désalcoolisation sur le respect des profils de produits ou sur le lien au terroir… Sans parler d’un débat sur le choix d’un degré minimal de désalcoolisation partielle, la sélection des techniques parmi les technologies existantes, l’interrogation sur le potentiel de garde des vins désalcoolisés…
Faute de données, la décision prise par le comité national porte sur la méthode de collecte d’informations. Les représentants de la filière adoptent à l’unanimité l’avis de création d’une expérimentation de désalcoolisation partielles de vins, dont les résultats ne seront pas revendicables en AOC. L’INAO ne fera pas appel au Dispositif d’Evaluation des Innovations (DEI) qui permet aux vins issus d’expérience de revendiquer l’AOC. Cette décision s’appuie sur les réflexions remontées des comités régionaux de l’INAO, avec l’expression de « ce que les gens voudraient et de ce qu’ils ne veulent pas » rapporte Christian Paly, notant que la majorité des comités envoient un signal négatif, quand une minorité présente des réserves fortes sur la désalcoolisation en AOC mais ne veut pas fermer la porte à des essais. Tout le travail mené permet de trouver et adopter une position intermédiaire.
Le comité national a également voté unanimement pour l’ouverture d’une étude prospective sur les vins AOC désalcoolisés. « Le sujet n’est pas que technique, il aussi économique » pointe résume Christian Paly, le vigneron de Tavel (Gard) demandant : « est-ce qu’il existe un marché pour le vin AOC désalcoolisé ? Quelle est son acceptabilité pour les consommateurs de vins AOC ? Nous allons mener une étude prospective pour éclairer et fixer la définition de la désalcoolisation dans le champ de l’AOC.


Autre volet des longues discussions du comité national sur les vins désalcoolisés : la définition des pratiques œnologiques pour les vins désalcoolisés. Alors que l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) finalise une résolution sur le sujet, les vins AOC de France se positionnent sur les additifs utilisables. « Le comité national donne un avis clair : dans le cadre d’un rééquilibrage après désalcoolisation, il ne peut y avoir que des apports endogènes (assemblage avec des moûts, vins…) pas d’intrants exogènes pour les arômes ou l’eau retirés pendant la désalcoolisation. Le comité national est très très très réservé sur l’ajout de glycérol. Il ne peut pas être exogène, mais on en retrouve dans le vin » explique Christian Paly.
« Nous avons pris une position nette : pas d’intrant d’extérieur, comme le glycérol » confirme Vincent Fabre, vigneron médocain siégeant au comité plutôt ouvert au potentiel des vins AOC désalcoolisés : « il y a toujours eu des évolutions dans le monde des appellations. Dans les années 1960-1970 les degrés alcooliques du vin étaient de 11-12°.alc, quand maintenant ils sont 13-14°.alc. Il faut évoluer, mais il est urgent de ne pas se presser. » Même calme des vieilles troupes pour Daniel Bulliat, le vice-président d’Interbeaujolais, qui reconnait que « parler de glycérol dans le vin, ça fait bondir de 20 mètres ! » Pour le vigneron de Beaujeu (Rhône), « il ne faut pas sortir de l’ADN et de l’éthique des appellations » et envisager d’autres leviers : réaliser de plus forts rendements, adapter les porte-greffes « pour retrouver de l’équilibre dans les vins plutôt que de pratiquer de la désalcoolisation. Il faut expérimenter la désalcoolisation progressivement, ne pas foncer la tête la première. »