Nous ne sommes pas les affreux révolutionnaires que certains ont dépeint. Nous voulons juste que l’hécatombe à venir n’ait pas lieu. Notre but est de faire entendre les vignerons, la base, qui ne se retrouve plus dans ses représentants » : ce 17 octobre, à 18h30, dans la salle des fêtes du Pian sur Garonne, devant une assistance nourrie, Didier Cousiney, porte-parole du collectif Viti 33, a d’emblée tracé le nouveau visage du mouvement.
Renverser la table n’est plus de mise. Le collectif se veut « constructif » tout en étant « l’aiguillon qui pique nos représentants pour les faire avancer » a-t-il indiqué. Un signe : cet été le collectif s’est transformé en association avec une nouvelle dénomination : "Association de Défense Viti 33".
Il y a urgence. Les chais sont pleins, le marché est atone. L’inquiétude ronge les viticulteurs, les interrogations pèsent. A commencer par le dossier de l’arrachage qui selon Didier Cousiney n’est qu’une réussite en demi-teinte : « Certains comptaient là-dessus pour faire un peu de trésorerie. Sauf que le ratio renaturation/diversification a été inversé par rapport au financement ». Bref des couacs qui s’ajoutent au retard à l’allumage de ce dossier. Le paiement des primes d’arrachage ne devrait être lancé qu’en début 2024.
Autre sujet qui laisse un gout amer : la distillation. Au départ, le prix de la distillation, 675 € du tonneau, dépassait celui du prix de vente au négoce. Sauf qu’avec les demandes venues de toute la France, les possibilités de distillation ont chuté pour chaque propriété. « Vous n’aurez pas plus de 50 % » a-t-il prévenu.
Alors quelle stratégie adopter ? Et de suggérer de « faire quelque chose ensemble » avec les vignerons du Sud, de l’Aude notamment. En attendant, Bastien Mercier, un des leaders de l’association, a donné dans le concret.
Evoquant la rencontre du collectif cet été avec le tribunal de commerce, il s’est voulu rassurant : « N’attendez pas qu’il soit trop tard. La justice c’est déstabilisant, mais les juges qui s’occupent de viticulture, écoutent nos difficultés et n’ont pas de problème à calmer les banques ». Dans l’assistance, le silence se fait plus présent. « On doit être constructif » répète-t-il.
Pour preuve, Renaud Jean, viticulteur et négociant, a capté son auditoire en présentant deux mesures, essentielles pour l’avenir de la filière. Un : la fixation d’un prix minimum pour les bordeaux génériques. « Je suis en concurrence avec des négociants qui livrent en Chine des bordeaux à 1, 24 € » a-t-il rappelé. Deux : l’élaboration de cotisations indexées sur le prix du tonneau avec une linéarité pour tous. Exemple : 4,8€/hl pour un tonneau à 1200 €. 2,8 € pour celui à 700 € et 32 € pour 8 000 €. L’association a demandé un rendez-vous, sous quinze jours, au CIVB, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, qu’elle qualifie de « maison commune ». Brouhaha d’assentiment dans la salle.
Ce 17 octobre, le CIVB n’a fait l’objet d’aucune volée de bois vert. Cette fois c’est le négoce qui en a pris pour son grade : « Le négoce paye 700 € /T alors qu’il en vaut 1200€. Nous dénonçons le statut de RSE des négociants qui mettent à genou les producteurs » a clamé Renaud Jean.


Attaque en règle envers l’ODG et son président Stephane Gabard : « On n’est pas défendus, on n’est pas écoutés. A Stephane Gabard, je le redis, on n’est pas des gueulards. Les gens qui sont là ce soir attendent beaucoup de l’ODG. A quoi vous servez ? » interpelle Didier Cousiney. Applaudissements. « Je suis viticulteur comme vous. J’ai présenté un dossier d’arrachage. Les prix sont très bas et je n’arrive pas à trouver des contrats » a répondu Stéphane Gabard. Reprenant sa casquette de président d’ODG, il a tour à tour fustigé les reports successifs sur le dossier de l’arrachage qu’il juge désastreux.
Début novembre, trois réunions vont être fixées avec les représentants de l’Etat pour répondre aux questions. Tout comme, il a jugé « inadmissible » le comportement du négoce. « Quand on se revendique RSE, on doit faire vivre correctement ses fournisseurs. Le négoce peut s’acheter une conduite mais il ne va pas jusqu’au bout ». Puis, dans un sourire, il appelé l’assistance à s’engager dans l’ODG : « Présentez-vous, donnez votre opinion. La pluralité on en a besoin ». Silence dans l’assistance...