’information est tombée lors de ProWein, en mars dernier. C’est durant ce salon que le gouvernement britannique a annoncé les nouveaux droits d’accise sur les vins et alcools qui allaient s’appliquer à partir du 1er août. Depuis ce jour, les vins entre 11,5 et 14,9 % vol. d’alcool – le cœur du marché – sont taxés de 0,44 £ (env. 50 c d’euros) de plus qu’auparavant. Et ceux de plus de 15 % vol. d’alcool subissent 0,98 £ (env. 1,13 c) de droits supplémentaires.
« C’est une taxe qui pèse sur le consommateur et qui s’ajoute à l’inflation, si bien qu’on voit déjà des hausses de 1 £ par bouteille dans les rayons », observe Peter Crameri, directeur export pour Calmel & Joseph, un négoce languedocien pour qui le marché britannique est prioritaire.
Les importateurs vont-ils demander un effort aux vignerons pour la compenser ? Compte tenu des délais d’écoulement des stocks, beaucoup n’ont pas encore la réponse. Pour Méo Sakorn-Seriès, en tout cas, impossible de baisser des tarifs déjà gelés depuis des années. Responsable des ventes du Château de Cabidos, dans les Pyrénées-Atlantiques, elle trouve les Britanniques d’une rare fidélité. Sa propriété exploite 9 ha en IGP Comté Tolosan et exporte un quart de sa production outre-Manche depuis quinze ans. La cuvée Gaston Phoebus, un petit manseng sec, part du chai à 6,50 € HT, Saint-Clément – un moelleux – part à 6,50 € HT la bouteille de 50 cl et Gaston Phoebus – un autre moelleux – est à 9 € HT les 50 cl. Méo Sakorn-Seriès a juste remarqué que ses petits importateurs ne lui ont plus passé de commande de vins depuis l’annonce de la hausse des accises. À l’inverse, The Wine Society, un « gros importateur », en a commandé davantage.
Pour Laura Sicard, chargée de l’export aux vignobles Dom Brial, cette nouvelle taxe ne doit pas être un obstacle à son implantation outre-Manche. Jusqu’ici, cette coopérative du Roussillon y était peu présente. Mais elle compte bien s’y implanter avec ses vins de milieu et haut de gamme. « On a trouvé un importateur il y a deux ans ; on avance », se félicite Laura Sicard. Plusieurs commandes sont déjà parties. Pour l’instant, l’importateur n’a pas demandé de remise. « Le Royaume-Uni est un grand marché. Les Britanniques aiment les bons vins. Nous croyons dans notre partenaire. Et si on doit vendre moins que prévu, on fera avec », résume Laura Sicard.
Pour Plaimont, l’affaire des droits d’accise est de la plus haute importance. Cette coopérative gersoise expédie 3 millions de bouteilles par an au Royaume-Uni. C’est son deuxième marché avec l’Allemagne, derrière les Pays-Bas. La plupart de ces vins sont vendus sous des marques de distributeurs ou à moins de 7 £ en grande surface. « À ce niveau, 0,44 £ en plus, ça joue énormément », souligne Marc Vachet, directeur export pour la zone Europe.
Mais la nouvelle taxation pourrait bien être une opportunité pour Plaimont. Car si les vins de plus de 11,5 % vol. subissent une hausse, ceux de moins de 10,5 % vol. bénéficient d’une baisse. La cuvée Elia – un IGP Côtes de Gascogne à 9 % vol. – pourrait bien en profiter. Plaimont l’a lancée il y a deux ans déjà avec succès. Tout récemment, la grande enseigne Sainsbury’s s’est ajoutée à la liste de ses revendeurs. La première livraison vers cette chaîne est partie fin août. Marc Vachet fait un calcul simple : depuis la nouvelle taxation, Elia bénéficie d’un avantage de 0,75 £ par rapport aux vins de plus de 11,5 % vol. car cette cuvée supporte 0,31 £ d’accise en moins, alors que les vins plus alcoolisés encaissent 0,44 £ de plus. Fort de ces données, Plaimont se prépare à proposer d’autres vins de petits degrés après ces vendanges.
Pour Rhonéa, dans le Vaucluse, la nouvelle donne ne tient pas seulement aux taxes, mais aussi à la demande de vins moins alcoolisés. Cette coopérative est implantée outre-Manche surtout avec sa cuvée Rosemarie – une IGP Méditerranée à 13 % vol. – vendue 6,50 £ chez Asda. Une référence assez classique que la hausse des accises risque de fragiliser.
Sur le circuit on trade (la restauration), Rhonéa mise sur sa gamme de côtes-du-rhône Les Artistes, lancée l’an dernier avec le millésime 2021 et dont le rouge titrait 13,5 % vol. Prochainement, la coopérative va présenter le millésime 2022, un vin ramené à 11,5 % vol. après désalcoolisation. « C’est une grande première, un risque mais un effort pour s’adapter au marché qui demande moins d’alcool, commente Julien Pansier, chargé du marché britannique. C’est plus léger et fruité qu’un côtes-du-rhône classique. Nous avons de bons retours en France et dans d’autres pays, mais notre importateur anglais ne l’a pas encore goûté… Espérons que ça lui plaise ! »
À l’inverse, Olivier Coste, propriétaire du domaine de Montrose, 110 ha à Tourbes (Hérault), doute de la désalcoolisation. « Nous avons proposé à nos interlocuteurs de produire des vins moins alcoolisés, relate-t-il. Ils nous ont demandé d’être prudents car si l’on doit baisser les degrés, hors de question que ce soit au détriment de la qualité. »
Un nouveau système d’accises, provisoire, est effectif au Royaume-Uni depuis le 1er août 2023. Les vins entre 11,5 et 14,9 % vol. d’alcool subissent 2,67 £ de droits d’accise les 75 cl contre 2,23 £ auparavant, soit une hausse de 0,44 £. Les vins de plus de 15 % vol. prennent, eux, 0,98 £ ; ceux entre 11 et 11,5 %, 0,12 £ ; ceux entre 10,5 et 11 %, 0,1 £ et ceux de moins de 10,5 % voient leur taxe baisser. Cette grille vaut jusqu’au 1er février 2025. Après cette date, les vins seront taxés au degré d’alcool par tranche de 0,5 % vol. Un système qui favorisera les petits degrés.