l y a tout juste un an, Cédric Pavier, propriétaire du domaine de La Colonne, à Orange dans le Vaucluse, a troqué son vieux réfractomètre oculaire pour un digital. « Je cherchais un appareil compact, simple d’emploi, que je puisse emporter sur le terrain pour mes suivis de maturité. J’ai acheté un MyBrix de Mettler Toledo », rapporte le vigneron.
Jusqu’à présent, Cédric Pavier faisait ses prélèvements à la vigne puis rapportait ses échantillons au chai où il mesurait leur richesse en sucres. « Avec un réfractomètre manuel, ce n’est pas pratique de faire la mesure à la parcelle : cela nécessite une source de lumière puissante, explique-t-il. Lorsque le ciel est couvert ou qu’il pleut, ce n’est pas évident. Ensuite, il faut régler l’appareil avec la molette puis bien le rincer à l’eau. C’est chronophage. »
Et d’ajouter : « Aujourd’hui, je gagne du temps. Le réfractomètre est rangé dans la boîte à gants de la voiture. Je mets une petite goutte de jus sur la lentille et, en deux secondes, je connais le degré d’alcool potentiel en % vol. Aucun réglage à faire, pas besoin d’une source de lumière puissante et le nettoyage est rapide : une bouteille d’eau ou un paquet de lingettes à portée de main suffisent. »
Les Crus de Faugères, dans l’Hérault, ont eux aussi opté pour un réfractomètre digital de poche pour gagner du temps. « De mi-août à fin septembre, Alessandra Bof, notre responsable des suivis de maturité, peut être amenée à faire 300 analyses par jour, expose Alexandre Mannoni, le chef de cave. Notre coopérative regroupe 800 ha d’une centaine de vignerons. Ces derniers font des prélèvements maturité tous les deux ou trois jours. Ils nous apportent les échantillons au laboratoire et nous demandent les résultats dans la journée. Nous devons être efficaces. »
Pour chaque prélèvement de grappes, la coopérative mesure l’acidité totale, le pH et le degré potentiel d’alcool. Pour cette dernière mesure, elle a investi dans un Wine Line HI 96816 de Hanna Instruments il y a quatre ans. « La lecture de l’alcool probable est immédiate : il suffit de déposer quelques gouttes de jus pour couvrir la lentille puis d’appuyer sur la touche Read, apprécie Alexandre Mannoni. Il n’y a pas besoin de réglage et l’appareil est très simple à nettoyer entre chaque échantillon puisque la lentille est plate : on met quelques gouttes d’eau distillée sur la lentille et on essuie bien avec une feuille de papier absorbant. »
Alessandra Bof ajoute qu’elle apprécie la simplicité d’étalonnage de l’appareil. « Chaque matin, je l’étalonne en quelques minutes à l’aide de trois solutions de MCR de concentrations différentes. C’est bien plus délicat d’étalonner un réfractomètre oculaire. »
Au château Margarot, une propriété de 120 ha à Aubord, près de Nîmes, Marine Simorre, la caviste, utilise depuis trois ans maintenant le même appareil « pour mesurer le degré potentiel d’alcool à la sortie du conquêt de réception, précise-t-elle. C’est beaucoup plus pratique et surtout lorsque je dois m’absenter, n’importe qui peut faire la mesure à ma place. Inutile de savoir comment ça fonctionne, ni comment trouver la zone d’ombre qui permet de faire la mesure. Le résultat est fiable quel que soit l’opérateur. L’appareil est simple d’utilisation, il suffit de mettre trois gouttes de jus, d’appuyer sur une touche et la lecture du degré potentiel d’alcool est quasi instantanée. Une mesure indispensable pour la traçabilité mais aussi organiser la cuverie à la réception des raisins ».
Chez les cognacs Hennessy, Marie Giraud et Mickaël Anneraud, chargés de l’accompagnement Vigne et Vins, ont conçu un ensemble de documents pour inciter leurs fournisseurs à faire un suivi de maturité rigoureux dans leurs parcelles. Ce kit leur conseille d’utiliser un réfractomètre digital de poche. « Les résultats sont beaucoup plus fiables qu’avec un réfractomètre manuel. C’est simple d’utilisation, pas besoin de chercher la zone d’ombre et un appui long sur une touche suffit, explique Marie Giraud, avant de nuancer, à condition, bien sûr, de faire le zéro avant la première mesure, de bien nettoyer l’appareil et de ne pas rayer la lentille. »
Des précautions dont Marine Simorre, de château Margarot, fait son affaire. « Je nettoie et essuie délicatement mon réfractomètre après chaque utilisation. Je le conserve au sec, à l’abri de la lumière et surtout à l’ombre pendant toute la durée de la vendange », confie-t-elle. Tout aussi précautionneux, Cédric Pavier, vigneron à Orange, range son appareil dans son étui dès qu’il a fini de s’en servir. « Il en va de sa longévité, souligne-t-il. Sur le terrain, l’appareil est exposé à la poussière, à l’humidité, or les outils électroniques y sont sensibles. »
Malgré leurs atouts, les réfractomètres digitaux sont loin d’avoir supplanté les optiques. Au château Margarot, Maurice Margarot, le père des actuels gérants, chargé du suivi de la maturité au vignoble, continue d’utiliser un réfractomètre manuel. Ce n’est qu’en cas de doute qu’il se sert d’un appareil digital. Chez, Loire Vini Viti Distribution, Bruno Tessier, responsable de magasins, observe que les deux tiers de ses clients continuent d’investir dans un réfractomètre manuel pour leurs suivis de maturité. Selon lui, beaucoup redoutent la fragilité des appareils digitaux car ils sont bardés d’électronique et donc plus sensible à la poussière et à l’humidité. Les habitudes et les réputations ont la vie dure.
30 %, c’est la part de marché des réfractomètres digitaux de poche chez Dujardin-Salleron. « Même si ce chiffre est à la hausse depuis 2018, les réfractomètres manuels représentent toujours 70 % de nos ventes, précise Antoine Gruau, œnologue technico-commercial en sein de la société. Il est difficile de changer les habitudes, même si les réfractomètres digitaux sont plus compacts et plus simples d’utilisation que les optiques. » Yannick Tattevin, chef de produits densimétrie et réfractométrie chez Mettler Toledo, rappelle « qu’un réfractomètre digital ne met que 2 secondes à donner un résultat, sans aucune intervention de l’opérateur. Avec un appareil manuel, cela peut prendre plus d’une dizaine de secondes, le temps de régler la molette du vernier. Sans oublier qu’il doit être orienté vers une forte source de lumière pour que la lecture du résultat soit correcte. »