xit Antilope Tibétaine, Lapin Imperial, Lapin d’Or, Grande Antilope: les noms donnés par le groupe chinois SGV Wines Group, basé à Hong Kong, aux quatre châteaux acquis en 2016.
« Il faut vite oublier ces noms et rétablir la réputation des propriétés que nous avons rachetées » répète haut et fort Denis Chazarain, qui a repris avec son associé Pierre-Yves Rigaux, la holding SGV Wines laquelle détenait château Larteau, à Arveyres, AOC Bordeaux Supérieur, château Tour Saint-Pierre, AOC Saint-Emilion Grand Cru, château Sénilhac AOC Haut Médoc Cru Bourgeois, à Saint-Seurin-de-Cadourne, et Clos Bel Air, AOC Pomerol.
Confronté à la crise dans l’immobilier et à la crise économique en Chine, SGV Wines a été obligé de se restructurer. « Le groupe n’avait plus les moyens d’investir dans ces propriétés » note Denis Chazarain. Ce dernier reste discret sur le montant de la transaction: « C’est en période de crise qu’il faut acheter, quand le marché est bas ».
Les projets ne manquent pas. Arrachage et replantation de vignes, embauche de personnel, nouvelle cuvée. Un investissement au global cette année de 800 000 €.
Château Larteau ajoute à sa gamme un rosé baptisé « L’Aerial ». Un IGP Atlantique, 100% cabernet, produit à 3500 bouteilles, pour monter à 15000 l’an prochain. Un rosé associé au surf. Un plan de communication va faire appel à des surfeurs pro de la côte basque et landaise.
Une dizaine de collaborateurs a été recrutée (commercial France, export, ouvriers viticoles). Un personnel mutualisé sur les quatre propriétés. L’appel à la prestation extérieure (100% du temps de SGV Wines) va être fortement diminué.
Un plan d’arrachage et de replantation a été engagé: ainsi 0,5 ha sur le clos Bel Air, 2,80 ha à Tour Saint Pierre, et 3,5 ha (replantations en blanc) au château Sénilhac.
En termes de commercialisation, la vente en ligne va être développée : une e-boutique est opérationnelle depuis trois mois et les vins sont présents sur la plateforme Twil. Une boutique de vente vient d’être inaugurée ce 29 avril, au sein du château Tour Saint Pierre. Les deux associés tablent également sur l’œnotourisme avec un investissement de 1 million d’euro: en juillet, château Larteau sera doté de six chambres, d’une salle de réunion pour des séminaires d’entreprises. Quant à Tour Saint Pierre, c’est un hébergement (7 à 10 chambres) qui va voir le jour fin 2024.
Question: le retrait des Chinois constitue-t-il une lame de fond ou un épiphénomène ? « Certains chinois pris dans la crise économique de leur pays n’ont plus le temps ou les moyens financiers de conserver leurs acquisitions. A l’inverse, d’autres résistent très bien, avec une vraie stratégie » indique-t-il.
De son côté, Bernard Artigue, qui préside l’association viticole franco-chinoise crée en 2015 par la chambre d’agriculture de la Gironde, le reconnait : « Par rapport il y a quelques années, il y a moins d’engouement. En fait, on assiste à un assainissement. Les Chinois qui étaient venus pour faire des « coups », ont baissé les bras et sont repartis ».
L’association co-présidée par Jinbao Huang, gérant du château de Lugagnac, accompagne les propriétaires chinois dans la connaissance des techniques et du droit du travail français.


Pas simple. Michel Lachat, le directeur de la Safer Gironde, estime, lui aussi, que la tendance générale est au désistement: « On sent bien une désillusion de la part des Chinois qui avaient réalisés des investissements impulsifs dans le bordelais. Ils pensaient maitriser la commercialisation et se sont imaginés que cela allait être facile. Pour les Chinois, le commerce c’est du temps court. Or la capitalisation de l’expérience en viticulture est très longue. Les Chinois se lassent d’outils qui ne rapportent pas. Du coup les transactions sont là. Ils vendent. C’est un mouvement réel » explique-t-il.
Pas de raz de marée pour autant : Lijuan Li, chanteuse très connue en Chine, devenue agent immobilier à Bordeaux, fait le lien entre les deux cultures en vendant des vignobles à ses compatriotes: « Beaucoup de Chinois trouvent que le business du vin est trop dur et veulent se défaire de leurs achats dans le bordelais. Une cinquantaine serait à vendre » indique-t-elle.
Actuellement en Chine, elle prospecte sept mégapoles : « Je suis en contact avec des clients qui me demandent des informations pour acheter des vignobles dans le bordelais. La question est de savoir comment sortir l’argent de la Chine. On n’a plus le droit de transférer plus de 50 000 dollars US par personne » explique-t-elle. Du coup, elle a fait appel à un avocat chinois pour réaliser des transactions tout en respectant les lois chinoises.
Le 28 avril dernier, elle a organisé un évènement autour de la problématique : comment acheter des vignobles dans le bordelais. 22 investisseurs chinois venus de Beijing, Shanghai et Wuhan étaient au rendez-vous.