e salon Tang Jiu Hui, de son nom chinois, s’est tenu du 12 au 14 avril dans la capitale de la province de Sichuan, au centre-ouest de la Chine. Evénement incontournable pour les acteurs du marché des vins et spiritueux, il a retrouvé cette année son lustre d’avant le Covid-19. En effet, les chiffres sont édifiants : plus de 6 500 exposants sur 320 000m2 et 390 000 visiteurs ont participé à l’édition 2023. Malgré la levée tardive des restrictions sanitaires, 41 exposants de toutes les régions françaises étaient présents sur le pavillon France, ainsi que l’Occitanie et la Nouvelle Aquitaine en tant que partenaires avec des collectifs d’entreprises. Et le très prisé Tastin’ France le Off a pu de nouveau se dérouler, avec 11 entreprises y participant. « A cause des incertitudes liées au Covid-19, nous avons dû lancer le recrutement des entreprises françaises assez tard, nous focalisant surtout sur celles qui avaient une représentation locale, ce qui a limité le nombre de participants. Nous avons dû, au final, refuser des exposants français, faute de place, lorsque les frontières se sont rouvertes en janvier. D’habitude nous accueillons une centaine d’entreprises sur ce salon », explique Bertrand Quevremont.


Celles qui ont pu être présentes n’ont pas été déçues. Au-delà des quelque 300 visiteurs au Tastin’ France le Off, la fréquentation globale du salon était également très encourageante. « On a constaté une très belle reprise du salon avec une fréquentation classique d’avant le Covid-19. On est revenu comme s’il ne s’était rien passé, comme si ces trois dernières années étaient derrière nous », se réjouit le directeur du bureau Business France à Hong Kong. « Les gens étaient très heureux de se revoir et de renouer le contact. Il y a encore une certaine prudence, bien sûr, mais aussi un vrai enthousiasme de la part des opérateurs chinois pour repasser des commandes, et reconstituer des stocks. On sent que cela repart dans l’hôtellerie/restauration où les grands banquets, les grandes manifestations d’entreprises, les mariages etc reprennent. Les hôtels et les restaurants sont de nouveau pleins, les gens passent du temps ensemble à table donc la consommation reprend ».
Si les exportations de vins français vers la Chine ont perdu 5% en valeur en 2022, Bertrand Quevremont estime que ces chiffres sont à relativiser : « On a fait une année exceptionnelle en 2021 et on continue d’exporter pour 2 milliards d’euros de vins et spiritueux vers la Chine et Hong Kong. Cela reste un marché incontournable, d’autant plus que la baisse est intervenue alors que les frontières étaient fermées, qu’il y avait un confinement et que l’on ne pouvait pas réaliser de grosses opérations de promotion. Personnellement, je ne comprends pas cet alarmisme que je lis ci et là sur la consommation en Chine ».
Force est de reconnaître aussi, que ce petit coup de frein sur les importations de vins français n’est pas nécessairement imputable aux opérateurs chinois. « D’après les retours que j’entends à Hong Kong, beaucoup d’opérateurs passent commande mais rencontrent des problèmes côté français, à cause des grèves dans les ports, des difficultés d’approvisionnements en matières sèches et des manques de volumes dans certaines régions comme la Bourgogne et la Champagne ». Et de préciser : « Du côté des importateurs, il y a un vrai intérêt pour aller rencontrer les fournisseurs en France, faire du sourcing et reprendre de nouvelles références. J’en déduis que la situation des stocks s’est assainie ». Assurer une présence en Chine et à Hong Kong actuellement est d’autant plus indispensable que les vins australiens sont sur les starting blocks pour revenir sur le marché chinois. « Dans les relations diplomatiques, il n’y a plus de raison de continuer le blocage des vins australiens en Chine », confirme Bertrand Quevremont. « Beaucoup de négociations sont en cours et vraisemblablement les vins australiens vont revenir sur le marché assez rapidement. Donc il faut s’y préparer. Il faut être sur le terrain pour montrer qu’on veut conserver nos parts de marché ». ProWine, qui se déroule du 10 au 12 mai à Hong Kong, puis Vinexpo du 23 au 25 mai à Singapour, arrivent donc à point nommé.
La fermeture des frontières chinoises et d’autres restrictions sanitaires ont pu susciter des interrogations quant à la pertinence d’une présence en Chine et/ou Hong Kong. Le déplacement de certains salons vers d’autres grands pôles régionaux, comme Singapour, pourrait laisser entendre que les opportunités se sont, elles aussi, déplacées. Pour Bertrand Quevremont, il n’en est rien, même s’il reconnaît que l’importance stratégique de Hong Kong a reculé. « Hong Kong était une plaque tournante vers la Chine et si elle l’est désormais moins, c’est essentiellement pour des raisons logistiques. Les accès au marché chinois étaient facilités par l’efficacité logistique de Hong Kong à l’époque. Depuis, la Chine s’est dotée, aussi bien sur Shenzhen que sur Canton, Shanghai et des villes secondaires, d’infrastructures portuaires qui permettent une logistique directe sans avoir à passer par Hong Kong. Même si les produits ne sont pas taxés ici, à partir du moment où ils passent la frontière avec la Chine, les taxes s’appliquent de la même manière que s’ils arrivent depuis la France directement. Donc sur le plan logistique et financier, il n’y a plus réellement d’intérêt à passer par Hong Kong ». En revanche, Bertrand Quevremont réfute l’idée que Singapour serait en train de prendre la place autrefois occupée par Hong Kong : « Singapour n’est pas du tout une plateforme vers la Chine. Elle reste une plateforme vers l’Asie du Sud-Est mais elle l’a toujours été, Hong Kong aussi. Je constate que, vers la Chine, c’est surtout Macao qui est devenue une plaque tournante « grise » pour les vins australiens notamment, qui transitent par Macao pour se rendre en Chine ».