Le coût d’entretien du cavaillon ? Je ne l’ai pas calculé avec précision. Ça ferait peur ! », s’exclame Flavien Nicolas, gérant de l’EARL Les Avocats, à Cairanne, dans le Vaucluse. Ce viticulteur parle en connaissance de cause. À la tête de 40 ha en AOC Côtes du Rhône, certifiés Haute Valeur Environnementale (HVE 3) depuis 2019, il est adepte du travail sous le rang.
Une démarche assumée mais coûteuse, car la tâche est chronophage. « Dans mes vignes, plantées à 2 m ou 2,25 m entre rangs, cela me prend 1 h 45 par hectare et par passage, contre 40 minutes lorsque j’employais un herbicide, observe-t-il. Tout cela pour maintenir une parcelle propre pendant trois à quatre semaines au plus ! »
Ce vigneron intervient sous les rangs au moins quatre fois par an : en mars, avec une paire de lames Braun ou Clemens, plus tard avec une décavaillonneuse Aguilar, puis deux autres fois avec les lames, mi-mai, avant la fleur, et mi-juin, après les premiers écimages.
Comme lui, Luc Dumange, en Touraine, et André-Jean Morin, dans le Jura, passent eux aussi beaucoup de temps à travailler le cavaillon. Mais alors que Flavien Nicolas travaille avec un tracteur interligne, eux passent avec des enjambeurs dans leurs vignes étroites.
Luc Dumange conduit en agriculture biologique (AB) les 18 ha du domaine du Clos de l’Épinay, à Vouvray. Il travaille ses vignes sous le rang depuis huit ans avec des interceps Juramatic Boisselet, une décavaillonneuse, des disques émotteurs et des bineuses à étoiles. « Il me faut cinq jours en février pour passer les Juramatic (photo), le double pour décavaillonner, puis cinq jours toutes les trois semaines environ, en alternant les disques émotteurs, les Juramatic ou les bineuses. »
André-Jean Morin, lui, cultive 10 ha en biodynamie au domaine de la Touraize, à Arbois. Il travaille le cavaillon à l'aide de deux enjambeurs en Cuma. Il passe une première fois en mars, avec des disques émotteurs, puis en avril avec des lames. Il repasse à nouveau les lames ou des Juramatic, en mai ou juin, en combinaison avec le premier rognage. Un passage d’émotteurs lui coûte 42 euros HT par heure, un passage de lames, 51 à 55 euros HT selon l’enjambeur utilisé, carburant compris mais sans la main-d’œuvre.
Ces exploitants déplorent également le temps passé à réparer les dommages causés par les interceps. « Quand on travaille le sol, rares sont les parcelles où on ne fait pas de dégâts, admet Flavien Nicolas. Dans les vieilles vignes en gobelet, j’abîme entre 20 et 30 souches par hectare à chaque passage. Dans les vignes conduites en cordon de Royat, les interceps attrapent aussi quelques racines mais provoquent moins de dégâts. Il est donc nécessaire de bien affiner les réglages en fonction de l’âge de la vigne et de la forme des pieds. »
« La première année, le premier passage de déca, à effacement mécanique, a fait pas mal de dégâts, se souvient Luc Dumange. J’utilise à perésent un modèle Boisselet. Il est plus sensible et réactif. Je n’arrache plus qu’un ou deux ceps par hectare. »
Ce viticulteur passe malgré tout encore 3 à 4 heures par hectare et par an à consolider les fils d’amarres, qu’il lui arrive d’accrocher avec ses outils lorsqu’il entre dans les rangs, à remplacer les ceps abîmés et à poser de nouveaux marquants. « Sans compter le temps consacré au creusement des trous. Si on pouvait appliquer un produit autorisé en bio pour nettoyer le cavaillon de temps en temps, ce serait bien ! »
Ne passant que des lames interceps équipées de palpeurs très sensibles, André-Jean Morin déplore peu de casse. À ce propos, il ajoute qu’il préfère l’intercep Braun, « simple et puissant », au modèle Boisselet, « sensible et respectueux des pieds, mais plus fragile et délicat à régler ».
En regard du temps passé au volant et à maintenir les vignes en état, les coûts en carburant et d’entretien des outils paraissent presque négligeables à nos trois interlocuteurs.
À 4 km/h et 1 300 tr/min, le Same Frutetto de 90 ch de Flavien Nicolas consomme 5 l/h environ. « C’est peu, mais c’est deux fois plus qu’en désherbant. » Heureusement, dans ses sols de garrigue peu abrasifs, ses outils s’usent peu, et ne sont jamais tombés en panne. « Je graisse les lames toutes les 6 h, et change les paires tous les deux ans. »
Consommation raisonnable chez Luc Dumange également : entre 3 et 4 l/h avec son Bobard 835 équipé d’une centrale hydraulique, et 2 l/h à peine pour son vieux Loiseau équipé de disques émotteurs. En revanche, dans ses terres argilo-calcaires assez lourdes, il remarque que ses outils s’usent rapidement. « Je change chaque année une paire de disques émotteurs, quelques doigts en plastique des bineuses, deux paires de socs sur les Juramatic, plus un jeu de socs de décavaillonneuses tous les deux ans. Cette année, j’ai opté pour des modèles plus résistants au carbure. »
Remplacer les pièces d’usure standard par leur équivalent en carbure permet-il de réduire leur coût d’utilisation ? De plus en plus de viticulteurs semblent franchir le pas, motivés par une offre plus fournie et la garantie de réduire le temps de maintenance. Le carbure est réputé durer trois à quatre fois plus longtemps qu’une pièce d’origine standard, selon la qualité de la fabrication et la nature des sols. En revanche, les pièces valent au moins le double : compter 54 euros HT pour un soc de melon universel (375 x 68 x 25), 115 euros pour un soc cœur (200 mm), 134 euros pour une lame intercep (400 mm) et 182 euros pour une ailette hirondelle de type Actisol (400 mm).