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"1 h 45 par passage contre 40 min pour un herbicide", désherber les vignes mécaniquement est chronophage
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Travail du sol sous le rang
"1 h 45 par passage contre 40 min pour un herbicide", désherber les vignes mécaniquement est chronophage

Questionnés sur le coût du travail du sol sous le rang, trois viticulteurs dressent le même constat : le temps investi dans la démarche représente une contrainte bien supérieure à l’usure des outils ou la consommation en carburant.
Par Martin Caillon Le 29 mars 2023
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Luc Dumange conduit en agriculture biologique (AB) les 18 ha du domaine du Clos de l’Épinay, à Vouvray, en Indre-et-Loire. - crédit photo : Martin Caillon
«

 Le coût d’entretien du cavaillon ? Je ne l’ai pas calculé avec précision. Ça ferait peur ! », s’exclame Flavien Nicolas, gérant de l’EARL Les Avocats, à Cairanne, dans le Vaucluse. Ce viticulteur parle en connaissance de cause. À la tête de 40 ha en AOC Côtes du Rhône, certifiés Haute Valeur Environnementale (HVE 3) depuis 2019, il est adepte du travail sous le rang.

Une démarche assumée mais coûteuse, car la tâche est chronophage. « Dans mes vignes, plantées à 2 m ou 2,25 m entre rangs, cela me prend 1 h 45 par hectare et par passage, contre 40 minutes lorsque j’employais un herbicide, observe-t-il. Tout cela pour maintenir une parcelle propre pendant trois à quatre semaines au plus »

Quatre passages par an

Ce vigneron intervient sous les rangs au moins quatre fois par an : en mars, avec une paire de lames Braun ou Clemens, plus tard avec une décavaillonneuse Aguilar, puis deux autres fois avec les lames, mi-mai, avant la fleur, et mi-juin, après les premiers écimages.

Comme lui, Luc Dumange, en Touraine, et André-Jean Morin, dans le Jura, passent eux aussi beaucoup de temps à travailler le cavaillon. Mais alors que Flavien Nicolas travaille avec un tracteur interligne, eux passent avec des enjambeurs dans leurs vignes étroites.

Luc Dumange conduit en agriculture biologique (AB) les 18 ha du domaine du Clos de l’Épinay, à Vouvray. Il travaille ses vignes sous le rang depuis huit ans avec des interceps Juramatic Boisselet, une décavaillonneuse, des disques émotteurs et des bineuses à étoiles. « Il me faut cinq jours en février pour passer les Juramatic (photo), le double pour décavaillonner, puis cinq jours toutes les trois semaines environ, en alternant les disques émotteurs, les Juramatic ou les bineuses. »

André-Jean Morin, lui, cultive 10 ha en biodynamie au domaine de la Touraize, à Arbois. Il travaille le cavaillon à l'aide de deux enjambeurs en Cuma. Il passe une première fois en mars, avec des disques émotteurs, puis en avril avec des lames. Il repasse à nouveau les lames ou des Juramatic, en mai ou juin, en combinaison avec le premier rognage. Un passage d’émotteurs lui coûte 42 euros HT par heure, un passage de lames, 51 à 55 euros HT selon l’enjambeur utilisé, carburant compris mais sans la main-d’œuvre.

Du temps passé à réparer les dommages

Ces exploitants déplorent également le temps passé à réparer les dommages causés par les interceps. « Quand on travaille le sol, rares sont les parcelles où on ne fait pas de dégâts, admet Flavien Nicolas. Dans les vieilles vignes en gobelet, j’abîme entre 20 et 30 souches par hectare à chaque passage. Dans les vignes conduites en cordon de Royat, les interceps attrapent aussi quelques racines mais provoquent moins de dégâts. Il est donc nécessaire de bien affiner les réglages en fonction de l’âge de la vigne et de la forme des pieds. »

« La première année, le premier passage de déca, à effacement mécanique, a fait pas mal de dégâts, se souvient Luc Dumange. J’utilise à perésent un modèle Boisselet. Il est plus sensible et réactif. Je n’arrache plus qu’un ou deux ceps par hectare. »

3 à 4 heures par hectare et par an pour consolider les fils d'amarre

Ce viticulteur passe malgré tout encore 3 à 4 heures par hectare et par an à consolider les fils d’amarres, qu’il lui arrive d’accrocher avec ses outils lorsqu’il entre dans les rangs, à remplacer les ceps abîmés et à poser de nouveaux marquants. « Sans compter le temps consacré au creusement des trous. Si on pouvait appliquer un produit autorisé en bio pour nettoyer le cavaillon de temps en temps, ce serait bien ! »

Ne passant que des lames interceps équipées de palpeurs très sensibles, André-Jean Morin déplore peu de casse. À ce propos, il ajoute qu’il préfère l’intercep Braun, « simple et puissant », au modèle Boisselet, « sensible et respectueux des pieds, mais plus fragile et délicat à régler ».

En regard du temps passé au volant et à maintenir les vignes en état, les coûts en carburant et d’entretien des outils paraissent presque négligeables à nos trois interlocuteurs.

À 4 km/h et 1 300 tr/min, le Same Frutetto de 90 ch de Flavien Nicolas consomme 5 l/h environ. « C’est peu, mais c’est deux fois plus qu’en désherbant. » Heureusement, dans ses sols de garrigue peu abrasifs, ses outils s’usent peu, et ne sont jamais tombés en panne. « Je graisse les lames toutes les 6 h, et change les paires tous les deux ans. »

Des outils qui peuvent s'user facilement

Consommation raisonnable chez Luc Dumange également : entre 3 et 4 l/h avec son Bobard 835 équipé d’une centrale hydraulique, et 2 l/h à peine pour son vieux Loiseau équipé de disques émotteurs. En revanche, dans ses terres argilo-calcaires assez lourdes, il remarque que ses outils s’usent rapidement. « Je change chaque année une paire de disques émotteurs, quelques doigts en plastique des bineuses, deux paires de socs sur les Juramatic, plus un jeu de socs de décavaillonneuses tous les deux ans. Cette année, j’ai opté pour des modèles plus résistants au carbure. »

 

Le carbure vaut le coût

Remplacer les pièces d’usure standard par leur équivalent en carbure permet-il de réduire leur coût d’utilisation ? De plus en plus de viticulteurs semblent franchir le pas, motivés par une offre plus fournie et la garantie de réduire le temps de maintenance. Le carbure est réputé durer trois à quatre fois plus longtemps qu’une pièce d’origine standard, selon la qualité de la fabrication et la nature des sols. En revanche, les pièces valent au moins le double : compter 54 euros HT pour un soc de melon universel (375 x 68 x 25), 115 euros pour un soc cœur (200 mm), 134 euros pour une lame intercep (400 mm) et 182 euros pour une ailette hirondelle de type Actisol (400 mm).

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Tous les commentaires (7)
VICMIC Le 04 avril 2023 à 08:01:05
Je confirme que mon seul gyrobroyage, que mes trois labours et que mon désherbage sont effectués à 7km/h. je confirme que mes quatre seul traitements anti-mildiou de 2018 ont été effectués à 5 km/h ( 4 traitements systémiques avec 14 à 21 jours de rémanence = 2 mois de couverture) et que mes voisins BIO en ont fait 16 à 18 car il pleuvait quasiment tous les jours. Par conséquent le cuivre était lessivé rapidement. Planté à 2.50 m entre rangs avec 7 m de tournière et sur des sols plats, il est tout à fait possible d'avancer à 7 km/h n'en déplaise à Vigneron lucide!
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Vigneron lucide Le 03 avril 2023 à 23:13:43
VICMIC est trop fort, il fait tout à 7 km/h, les pulvé aussi ? Et il faudra qu'il nous sorte son programme de protection 2018 à 4 passages et celui de ses voisins Bio à 16 ou 18 passages, ce sera intéressant et riche d'enseignement. Dans l'attente de voir tout çà, la rédaction pourra peut être s'en charger pour un bel article sur les choix stratégiques et durables.
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BBern Le 03 avril 2023 à 13:26:12
Reponse N°2 à Rio. Pas de labour pour pas déranger les asticots, pas de phytos pour pas empoisonner les riverains ? Alors finalement, on fait comme les "Anciens" ,on touche pas au sol et on ramasse ce que la Nature nous donne ? Ok mais alors faut tout revoir et reprendre à 0...
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TatieD Le 02 avril 2023 à 18:19:10
Veuillez indiquer " les vigneronnes et vignerons " ... conduire une tracteur, tailler... c'est autant une activité de femme que d'homme. Il y a belle lurette que les femmes sont Maitresses de chai, oenologues, Vendangeuses... quand il s'agit de vendre le vin, personne ne leur fait de cadeau. C est choquant de voir 4 ou 5 exemples sans Emilie, Anne ou d'autres... Martin, il faut revoir ses choix... ! La direction devrait etre plus vigilante...
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VICMIC Le 30 mars 2023 à 10:57:43
Réponse à Rio. Dans le cadre d'un PSE je ne laboure pas de 9 mois. De Juillet à mars. Actuellement je gyrobroie à 7 km/h une auteur de 50 cm d'herbe. Apparemment le sol n'est pas stérile. je ne vais labourer que 3 fois (avril, mais et juin) toujours à 7km/h. Le rang étant désherbé ( 2rangs par passage toujours à 7 km/h) sur 50 cm( plantation à 2.50 entre rangs). Avec la fertirrigation j'apporte que 40 U d'azote. Donc en tout que 4 passages. Une année de mildiou comme en 2018 j'ai fais 4 traitements alors que mes voisins en bio en ont fait de 16 à 18 sans pour autant sauver toute leur récolte et à base de cuivre qui tue aussi les champignons du sol. Conclusion et de mon point de vu, si l'on considère la pollution et la compétitivité il n'y a pas photo.
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Rio Le 29 mars 2023 à 21:53:39
Rendre les sols stériles et sans vie grâce aux pesticides et autres produits chimiques, engrais déversés plusieurs fois chaque année sera bien plus chronophage pour les générations futures, pour tenter de remettre vie et humus dans ces sols dégradés qui ne retiennent plus l'eau.
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VIG-MIC Le 29 mars 2023 à 21:18:16
Bizarre! personne n'évoque, avec tous ces passages, la pollution atmosphérique et donc le déréglement climatique ......
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