Dans ses vignes plantées à 2,5 mètres d’écartement, Michel Vigroux, viticulteur Terra Vitis et HVE sur 65 hectares à Villeveyrac, dans l’Hérault, laisse l’herbe s’installer naturellement entre les rangs. Il ne désherbe donc que sous le rang, sur une bande de 75 cm (soit 37,5 cm de part et d’autre de la ligne des souches), avec un passage d’herbicides mi-février. « En 2022, j’ai appliqué, par hectare, 450 g de glyphosate associés à un herbicide de pré-levée : en principe, 40 g de Katana (flazasulfuron), ou bien 0,4 l d’Elysium (métribuzine + diflufénican) si j’ai un point d’eau à moins de 20 m [Elysium a une ZNT eau de 5 m, contre 20 m pour Katana, ndlr]. » Un programme à un seul passage, qu’il a appliqué à tout son parcellaire à l’exception d’une parcelle. « Un plantier qui a connu une forte pression d’érigéron. Nous sommes donc passés deux fois, une première en janvier, avec 450 g de glyphosate solo, pour détruire toutes les sorties d’érigéron de l’année avant que ça monte, puis un second passage en avril, avec un herbicide de pré-levée (Katana). » Dans les deux cas, « je suis satisfait du résultat », témoigne le vigneron, pour qui le succès de ce désherbage doit beaucoup à la qualité de pulvérisation. « Nous utilisons un ancien appareil Calvet SP 200 de 1 000 l. Nous avons simplement enlevé les manches de ventilation et monté à la place quatre pendillards escamotables. Cela nous permet de passer le produit sur deux bandes entières. Comme ça, on applique de manière homogène. » Le tout à 7 km/h, mouillé à 100 l/ha. Pour 2023, Michel Vigroux pense faire évoluer sa stratégie en appliquant « seulement 400 g de glyphosate en sortie d’hiver, et garder les 50 g restants pour les taches de chiendent en été ». Et de préciser : « Afin de maintenir une bonne efficacité, je pense réduire à 50 cm la taille de la bande désherbée. Mais cela implique de changer les buses, car pour l’instant nos Albuz AVI 80° appliquent le produit sur une trop grande largeur. Et pour entretenir l’herbe qui couvrira 2 mètres entre les rangs, il nous faudra de nouveaux gyrobroyeurs. » Quant à labourer le cavaillon, il n’en est pour l’instant pas question. « Si nous devions effectuer un passage mécanique sous le rang sur 65 hectares, on devrait se procurer deux interceps, ainsi qu’un tracteur supplémentaire et son chauffeur. Autant dire que nous perdrions en compétitivité. Le tout en aggravant notre bilan carbone, aspect auquel nous faisons particulièrement attention. »
Dans ses vignes étroites – l’écartement est de 1,3 m en moyenne –, Marc Sangoy, viticulteur sur 25 ha et président de la cave de Lugny, en Saône-et-Loire, laisse s’installer dans l’interrang un couvert végétal naturel, qu’il maîtrise par des tontes. Sur le rang, sa bande désherbée atteint environ 50 cm (25 cm de part et d’autre de la ligne des souches). « Je réfléchis à la raccourcir, mais c’est difficile. Car, ensuite, c’est le matériel pour tondre l’interrang qui n’est plus assez large. » Pour la désherber, deux cas se présentent à lui. Dans ses vignes en pente et caillouteuses, là où les restrictions de glyphosate n’ont pas cours, il applique sur le rang deux tiers des 2 160 g autorisés, associés à un herbicide de pré-levée à base de flazasulfuron.
Marc Sangoy (crédit photo Cave de Lugny)
Dans les autres parcelles, concernées par les restrictions, il alterne herbicides et labour. « Au printemps, je passe les 450 g/ha de glyphosate associés à un herbicide de pré-levée dès que les adventices sortent, au stade plantule, pour que soit efficace. Ensuite, j’attends que les vignes se salissent à nouveau pour effectuer un travail du sol. Cela se fait en principe au moment des relevages. » En été enfin, le viticulteur élimine les dernières taches avec un passage de débroussailleuse. « On a quand même du mal à tenir avec ça, les vignes ne sont pas aussi propres qu’avant. C’est gênant pour la vendange mécanique ou la taille. Et bien sûr pour les rendements », regrette le vigneron, qui considère que cette réglementation place la profession « dans une impasse ». À l’avenir, il envisage un premier labour dès l’automne. Et afin d’anticiper d’autres restrictions éventuelles, il expérimente différentes techniques. « D’une part, des matériels de travail du sol à vitesse élevée (des disques émotteurs et des étoiles Kress), pour effectuer éventuellement davantage de labours en saison ; d’autre part, prochainement, de l’enherbement sous le rang, que je contrôlerai avec des rouleurs interceps. »
Pour diminuer ses IFT et rentrer dans les clous de la HVE, Cyril Desloges, viticulteur à Monthou-sur-Cher, dans le Loir-et-Cher, n’utilise des herbicides que sur 12 de ses 25 hectares. Planté à 1,55 m d’écartement, il désherbe uniquement sous le rang sur une bande d’environ 38 cm de chaque côté du rang. « J’ai déjà pensé à réduire cette bande en laissant plus d’herbe, afin d’obtenir une meilleure efficacité des produits. Mais je ne pense pas passer le cap à cause de la concurrence hydrique observée en 2022. » La saison passée, il a commencé par une première application en automne (fin novembre-début décembre) avec « du Kerb Flo (propyzamide) à 1,2 l/ha contre les graminées, car on a beaucoup de ray-grass, ainsi que du glyphosate à 1 l/ha pour éliminer le reste. Chez moi, cette association a bien fonctionné. Mais des collègues de communes voisines m’ont rapporté que le Kerb fonctionnait moins bien sur les sols un peu plus calcaires. » Cyril Desloges a effectué un second passage, avec un herbicide de pré-levée, au printemps. « Comme le rang était propre, j’ai pu mettre du Pledge (flumioxazine) à 0,6 kg/ha. » Résultat du programme : « Les parcelles sont restées propres le reste de la saison. Mais c’était une année sèche, je ne sais pas si cela va fonctionner à nouveau ». Pour 2023, le vigneron envisage le même itinéraire, « tout en prévoyant d’ajouter un passage de post-levée l’été si besoin est. Car je sais que Pledge peut manquer d’efficacité sur épilobe et érigéron, des confrères ayant rencontré des problèmes ».
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