epuis les restrictions d’usage du glyphosate, les pratiques d’entretien des sols sont plus coûteuses et plus techniques à mettre en œuvre y compris pour les vignerons qui font encore du désherbage chimique. C’est ce qu’ont expliqué les intervenants lors du webinaire "Restriction d’usage du glyphosate et alternatives : quel état des lieux et quelles perspectives ?", organisé par l’Institut Français de la VIgne et du Vin (IFV) le 7 février. Tour d’horizon.
En raison de la limitation d’usage du glyphosate à 450 g/ha/an, les vignerons qui optent pour le désherbage chimique du rang ont revu leurs pratiques avec pour résultat un report sur des herbicides plus coûteux et un passage supplémentaire. Avant la restriction, « Nous étions sur des stratégies de désherbage chimique assez standardisées avec classiquement un glyphosate + prélevée au mois de mars, puis deux mois après soit un défanant, soit un glypho, soit une association des deux. Donc deux passages clé avec éventuellement en fonction de la climatologie une troisième intervention en fin de saison », a expliqué Alexandre Davy, de l’IFV pôle Bordeaux-Aquitaine.
Depuis la restriction l’ingénieur observe « de multiples combinaisons et on est parfois assez surpris des associations de matières actives qui sont faites mais ce qu’il faut retenir c’est que davantage de prélevée sont utilisés avec parfois avec des utilisations hivernales. Ce n’est pas forcément ce qu’il faut faire mais c’est ce que l’on constate. L’idée c’est ensuite de limiter la flore que l’on retrouve au printemps. On retrouve alors assez classiquement une intervention à fin février/début mars pour attaquer la saison. Intervention qui peut être un peu décalée dans le temps en fonction de l’état de salissement du sol, puis classiquement un travail du sol qui s’intercale en saison ou si ce n’est pas le travail du sol un retour du chimique et en fonction des conditions climato de l’année une dernière intervention pour tenir le cavaillon propre jusqu’à la récolte. Avant on était donc plutôt sur deux interventions voire éventuellement une troisième. Désormais on est plutôt sur trois interventions (pas forcément que du chimique) et éventuellement une quatrième ».
Le désherbage mécanique « est en l’état actuel, l’alternative transférable au plus grand nombre et qui connaît une expansion importante ces dernières années compte tenu du contexte réglementaire. Pourquoi ? Parce que l’offre en matériel est plutôt large, avec des outils qui sont complémentaires et disponibles sur le marché même s’il peut y avoir des délais de livraison importants. Quand on regarde la panoplie possible à utiliser on trouve des outils qui sont capables de gérer à la fois du désherbage de printemps avec un émiettement fin, des brosses pour maîtriser un couvert végétal qui se développerait sous le cavaillon au printemps dans des conditions de sol qui seraient impropres au travail du sol donc avec une complémentarité avec les outils à lame par exemple, des outils sur lesquels on trouve souvent des automatismes de suivi du sol et de recentrage pour favoriser le débit de chantier et soulager les conducteurs, des outils en vigne étroite qui peuvent être dédoublés voire triplés pour faire plusieurs rangs à la fois, des outils plus traditionnels comme la décavaillonneuse qui permet une très bonne gestion de la flore adventice sous réserve de gérer les déplacements de terre… », a détaillé Christophe Gaviglio, de l’IFV pôle Sud-Ouest.
Mais comme le rappelle l’ingénieur, le désherbage mécanique nécessite des investissements car il faut des outils polyvalents et un tracteur performant, davantage de main d’œuvre, du temps de travail supplémentaire. C’est énergivore. Et il ne faut pas négliger l’impact sur le rendement les premières années lors de la transition chimique vers mécanique.
Le désherbage électrique ? « On en parle de plus en plus avec le Xpower de Zasso qui permet de désherber sans travail du sol et à priori sans impact agronomique en tout cas sur le fonctionnement racinaire de la vigne. Par contre c’est lent, c’est gourmand en puissance », a indiqué Christophe Gaviglio. En effet, la technologie travaille avec une forte tension et un ampérage qui est faible au démarrage mais qui augmente en fonction de la densité des adventices à désherber. « L’énergie électrique en elle-même vient du tracteur avec la prise de force qui anime une génératrice qui donne ce courant électrique qui passe dans les parties conductrices des plantes à détruire entre deux électrodes ». La technique fonctionne et donne des résultats intéressants. Au niveau visuel, le désherbage électrique procure un aspect assez similaire à celui d’un désherbage chimique avec toutefois des imperfections (jaunissement incomplet) sur les espaces difficiles à recouvrir par les électrodes.
Les résultats des essais réalisés mettent en évidence un effet vitesse (test à 2,3 et 4,5 km/h) sur l’efficacité du désherbage. Plus la machine travaille lentement, plus l’efficacité est au rendez-vous. « Plus on travaille lentement, plus on applique d’énergie et d’électricité au sol et donc meilleure est la maîtrise des adventices ». En revanche, plus la densité d’herbes est importante, plus on a de difficulté à maîtriser les adventices et plus le nombre de passage nécessaire pour en venir à bout sera important. D’ailleurs ce paramètre joue plus que la vitesse de travail. Attention aussi à l’humidité du sol, car plus il est humide plus il est conducteur et plus il va disperser l’arc électrique qui ne sera plus centré uniquement sur les adventices. En revanche l’humectation au préalable du couvert apporte un plus. Les interventions en début de matinée lorsqu’il y a de la rosée peuvent donc être plus favorables et être plus efficaces que celles réalisées en plein après-midi. Attention aussi en cas de sécheresse. La technologie peut en effet provoquer des étincelles et engendrer un départ de flammes en cas de paillis. A noter également qu’une tonte préalable favorise l’efficacité, ce qui peut être intéressant en cas de couvert très développé. Les experts ont aussi noté une différence d’efficacité de la technologie entre les dicotylédones et les graminées plus difficile à toucher et à détruire au cœur.
Le désherbage thermique regroupe les technologies utilisant la mousse, l’eau chaude, la vapeur sèche, les radiants… « c’est lent et nécessite beaucoup de passage (jusqu’à 8) car le coup de chaud peut engendrer des levées de dormance. Mais l’avantage est que ça fonctionne en conditions humide. A noter que la mousse, l’eau chaude, la vapeur sèche sont au stade prototype. Ce n’est pas encore développé commercialement pour la viticulture mais plutôt pour des collectivités », a détaillé Christophe Gaviglio. Surtout ces technologies sont de fortes consommatrices d’énergie. Et peuvent nécessiter de fortes quantités d’eau pour une bonne efficacité. Comme l’a illustré Christophe Gaviglio pour le désherbage à l’eau chaude. « Entre 10 et 15 l d’eau par minute ça peut fonctionner. Il y a un effet vitesse. Ce qui signifie que systématiquement, Il faut plus de 100 l d’eau porté à température et à pression pour optimiser l’efficacité ». Et sa collègue Caroline Gouttesoulard, de l’IFV de Nîmes Rodilhan d’ajouter « l’effet visuel est là mais pour des consommations d’eau, d’énergie et des vitesses d’avancement inacceptables »
Le paillage du cavaillon peut s’effectuer avec différents matériaux : feutres, plaquettes de différentes essences, écorces, paille, déchets verts… Selon Caroline Gouttesoulard, le paillage demande du temps à l’installation mais derrière un gain de temps les années après car plus besoin d’entretenir le cavaillon. C’est en revanche assez coûteux : avec un coût supérieur à 1 € le mètre linéaire en moyenne. La technique peut s’adapter à tous les type de vignoble sur les plantiers ou les vignes en place. Selon elle la technique a du potentiel avec des efficacités intéressantes sur la durée de présence du paillage. Attention toutefois en cas de travail du sol des interrrangs : de la terre contenant des graines peut se retrouver sur le paillage et favoriser des levées sur le paillage.