ans la filière vin, l’Afrique du Sud est classée parmi les pays producteurs relativement jeunes, mais c'est une incohérence. Son antériorité viticole remonte au milieu du 17ème siècle, époque où « les Hollandais étaient encore en train d’assécher les marécages bordelais », comme aiment à le souligner les représentants sud-africains. Toujours est-il que la reconnaissance de son histoire viticole a longtemps été retardée par les conséquences de la politique ségrégationniste que le pays a connu. Même aujourd’hui, la filière souffre des conséquences de décisions mal menées, subissant quotidiennement des coupures de courant qui l’obligent à installer groupes électrogènes et panneaux photovoltaïques très coûteux.
Mais le sentiment qui prévaut aujourd’hui, c’est que les professionnels vitivinicoles ont passé outre ces handicaps : « Pouvoir accueillir le Concours Mondial du Sauvignon est d’une importance capitale pour nous », explique RJ Botha, chef de cave chez Kleine Zalze et par ailleurs président de l’association Sauvignon Blanc South Africa. « Nous voulons montrer aux visiteurs internationaux qui nous sommes et ce que nous faisons, en bien et en mal. Nous n’avons plus honte de notre passé ».
Le choix d’accueillir un concours international dédié au sauvignon n’est pas un hasard. « Le sauvignon blanc est sans doute la catégorie la plus passionnante en Afrique du Sud à l’heure actuelle et le sauvignon nous sert de vecteur de valorisation », poursuit RJ Botha. Troisième cépage le plus cultivé dans le pays, toutes couleurs confondues, avec 10,9 % de la superficie nationale, le sauvignon permet à la filière de se faire une place privilégiée sur le marché mondial. La petite récolte néo-zélandaise en 2021 n’y est pas étrangère : « Nous avons réussi à conserver la plupart des référencements que nous avons acquis en compensant la pénurie néo-zélandaise ». Longtemps évoluant dans l’ombre de la Nouvelle-Zélande, la référence mondiale en matière de sauvignon blanc, l’Afrique du Sud est désormais en train de se frayer son propre chemin : « Depuis un ou deux ans, nous nous sommes rendu compte que nous ne devions plus chercher à imiter les Néo-Zélandais mais plutôt à assumer pleinement nos propres atouts. L’une des évolutions majeures porte sur l’utilisation du bois, en vinification et en élevage, tout en maîtrisant son impact sur les vins ».
Sur le plan conjoncturel, la filière vitivinicole a réussi à tirer son épingle du jeu, malgré des écueils très importants (interdiction de transporter, commercialiser et exporter de l’alcool pendant le Covid). « Il y a deux ans, nous avions beaucoup d’excédents à gérer », raconte le chef de cave. « Cette année, les volumes correspondent à des niveaux qui nous satisfont ». La demande nationale, en particulier, reste soutenue : « Les ventes en janvier et février sont très bonnes. Le tourisme reprend ». Il faut dire que les professionnels sud-africains sont passés maîtres dans l’art d’attirer des visiteurs. Il n’y a guère une cave qui ne propose pas de restauration ou d’hébergement, à l’instar de Kleine Zalze, situé dans la zone de Stellenbosch. Depuis septembre 2022, la cave est passée dans le giron du groupe français Advini, qui nourrit de grandes ambitions pour sa nouvelle propriété sud-africaine. « Advini va investir de manière considérable dans nos installations », confirme RJ Botha. « Le but n’est pas d’augmenter les volumes de production, mais de valoriser les vins par la premiumisation ».
Advini, qui possède désormais cinq exploitations sud-africaines (Kleine Zalze, L’Avenir, Le Bonheur, Ken Forrester Vineyards, Stellenbosch Vineyards) n’est pas le seul investisseur français dans le pays. La filiale sud-africaine des Grands Chais de France, Iwayini, vient d’acquérir le domaine Villiera à Stellenbosch – réputé pour ses effervescents Méthode Cap Classique – faisant suite à l’acquisition de Neethlingshof en 2022, également à Stellenbosch. Dans le même temps, le rachat de la Durbanville Hills Winery (Distell) par le groupe brassicole Heineken, confirme le potentiel manifeste identifié par les investisseurs extérieurs, au pays et au secteur. Pour l’illustre Ken Forrester du domaine éponyme, « ces investissements permettront aux entreprises viticoles sud-africaines de s’internationaliser, ce qui est indispensable à la réussite de notre secteur ».
Achevées aux trois-quarts, les vendanges cette année laissent augurer une récolte relativement faible, à l’exception de Stellenbosch, dont la production devrait avoisiner celle de 2022. « Les pertes les plus importantes concernent le chardonnay. Le sauvignon blanc semble aussi légèrement en baisse. Il en va de même pour le chenin et les vins blancs secs en général », note l’œnologue RJ Botha. Si les cépages précoces ont été épargnés par les pluies assez importantes tombées début mars, des questions demeurent quant aux rouges. Pour Georgina Wilkinson, œnologue chez Constantia Glen, « 2023 est un grand millésime pour le vin blanc, mais pour les rouges, il est difficile de se prononcer encore ». La régression des volumes risque de poser quelques soucis en matière de tarification : « Le principal problème auquel nous sommes confrontés actuellement porte sur la hausse potentielle des prix due à la diminution de la récolte. Nous allons devoir compenser ce problème », confirme RJ Botha.