epuis quelque temps, des voix se font de plus en plus entendre de l’autre côté des Pyrénées pour intervenir sur le marché du vin d’ici les prochaines vendanges. Si deux principales régions ont ouvert le bal – Rueda et la Rioja, avec des problématiques différentes – d’autres les ont rejointes depuis. Dernière en date, l’Estrémadure dans le sud-ouest du pays. Début mars, le syndicat agricole Apag Extremadura a demandé au ministère de l’Agriculture de mettre en œuvre des mesures extraordinaires – distillation de crise et vendange en vert – pour atténuer la crise des prix du vin dont souffre le secteur. Ces mesures sont justifiées, « compte tenu de la paralysie du marché du vin en général, qui est encore plus grave pour les vins rouges, avec pratiquement aucune opération, ce qui entraînera un effondrement des prix », affirme le syndicat.
De son côté, la confédération Union de Uniones a demandé une aide directe et une distillation de crise pour aider le secteur à faire face à une hausse de 30% des coûts de production et des prix de vente du raisin et du vin inférieurs au seuil de rentabilité. L’organisme estime que la vendange en verte seule – déjà actée par le ministère espagnol de l’Agriculture – « sera insuffisante pour obtenir l’équilibre attendu avant la prochaine campagne ». Dans la région de la Rioja, qui subit de plein fouet la crise mondiale des vins rouges, il est question d’abonder ces différentes mesures d’une limitation des rendements. En effet, la Fecoar, qui regroupe les coopératives de la région, propose que pour les deux prochaines campagnes, les rendements soient limités à 5 850 kg à l’hectare pour les raisins rouges, soit 90% du rendement autorisé ; les blancs ne seraient pas concernés. L’organisation souhaiterait que dans le même temps, aucune proposition de plantation ne soit soumise pendant les trois prochaines années.
Autant de pistes pour tenter de réduire les excédents, et assainir les caves avant la prochaine récolte, mais pour l’instant seule une problématique met tout le monde d’accord : les 53 centimes par kilo de raisin retiré grâce à la vendange en vert sont insuffisants, même si ce montant a été récemment revu à la hausse par le ministère de l’Agriculture ; au départ, il était question de 33 cts. De nombreux syndicats estiment, en effet, que ce montant est « irréaliste » et « ne couvre même pas les coûts de production », et de plus, devrait être calculé à l’hectare et non au kilo de raisin. Globalement, tout le monde considère que 15 millions d’euros pour la mesure au niveau national sont insuffisants. En revanche, pour les autres mesures, l’accord est plus difficile à trouver.


A contre-courant, la principale région productrice du pays, Castilla La Mancha, s’est exprimée – par la voix de son ministère régional de l’Agriculture – contre la distillation de crise revendiquée par plusieurs de ses homologues. « Nous ne voulons pas de distillation en Espagne, parce que nous ne voulons pas que le prix du vin baisse », a déclaré Francisco Martínez Arroyo, ajoutant que « nos entreprises et nos coopératives, qui font un excellent effort, continuent d'exporter du vin dans le monde entier ». Ses dires ont trouvé un appui au sein de la coopérative Bodegas Yuntero, première cave productrice de vins biologiques du pays, dont le président affirme que la campagne a commencé « très fort » et que le vin biologique s’exporte très bien. Enfin, dans les colonnes d’El Correo del Vino, Javier Sanchez-Migallon Royo, son directeur, note que si, effectivement, les exportations espagnoles se portent bien en valeur, les volumes ne suivent pas cette tendance. Et de conclure, « les problèmes que nous connaissons peuvent se résumer en quelques mots : le vin ne se vend pas, c’est aussi clair que cela ».