omme l’Europe, les Etats-Unis ont été touchés par des problèmes logistiques importants, des pressions inflationnistes et la pénurie de matières sèches. « Parfois, nous travaillons sur un projet le mardi et il y a des stocks, puis le jeudi il n'y en a plus. C'est vraiment difficile à gérer. Pour un grand nombre d'entreprises, la principale mission à l’avenir consistera à récupérer les marges et à ramener les choses à la normale », confirme Heather Fritzsche, qui a cofondé le groupe Spearhead il y a cinq ans en Pennsylvanie. Au fil des ans, la société a développé un réseau de partenaires au Canada, au Mexique, en Asie et en Italie et est à l’origine de projets environnementaux tels le Bottle2Bag™ qui emploie les déchets de bouteilles en plastique comme matériau pour la production de sacs.
Pour cette spécialiste de l’optimisation des marques et des process, notamment dans le domaine des spiritueux, la crise peut se transformer en autant d’opportunités pour le secteur. « Je pense que la situation actuelle va entraîner une évolution des mentalités, notamment vis-à-vis de ce que nous considérons comme des innovations. Il y a quatre ou cinq ans, avant le Covid, on cherchait plutôt à dépenser davantage d'argent, à fabriquer des emballages plus exclusifs et novateurs les uns que les autres. Désormais, il s'agit plutôt de savoir comment être novateur tout en utilisant moins de matériaux et en réduisant le coût des matières sèches. Il existe tant d'innovations possibles au niveau des processus, de la fabrication et de la réduction des déchets qui apportent une belle valorisation, mais qui n’impliquent pas nécessairement une nouvelle conception de la marque ». Et de citer le cas de la marque de whisky Templeton 10 où le simple fait de rapatrier la production de ses étiquettes en cuivre sur le lieu de fabrication des bouteilles où elles pouvaient être apposées directement a fait gagner du temps et donc de l’argent : « Les délais de conditionnement sont passés de plus d’une semaine à deux jours, ce qui a permis à la marque d’augmenter sa capacité de production de 100% du jour au lendemain ».
La pénurie de matières sèches a remis en question le caractère durable des emballages, un enjeu d’autant plus important que les jeunes consommateurs y sont particulièrement sensibles. « Les jeunes générations auront tendance à se détourner de certains produits s'ils ont l'impression qu'ils sont sur-emballés et qu’il y a du gaspillage. Les jeunes achètent pour partie en fonction de leur conscience, et ce n’est pas avec des emballages encore plus beaux que vous les séduirez mais plutôt avec du verre 100% recyclé ou à travers des réseaux de réutilisation de bouteilles. Dans tous les cas, il s’agira à l’avenir d’utiliser moins d’emballages et de mieux choisir ses emballages ». Un choix quasi incontournable lorsqu’il s’agit de vins issus de démarches environnementales : « A mon sens, une bouteille en verre recyclé à 100 %, associée à des marques biologiques et sans sulfites, fait partie d’un storytelling très convaincant ». Dans le même esprit, les grandes causes caritatives attirent les jeunes Américains : « Ils sont sensibles à des programmes où chaque achat de vin soutient une œuvre caritative ou une cause », note Heather Fritzsche, qui met en pratique ses conseils à travers sa fondation à but non lucratif Project Earth™.


La question est de savoir comment conserver un positionnement premium et proposer une expérience de haut de gamme avec de belles couleurs, des illustrations et tous les éléments de différentiation d’une marque, tout en utilisant moins de matériaux. « C’est bien cela l’innovation actuelle en matière de packaging », affirme la spécialiste américaine. « Je pense qu'il incombe à toute la filière vin de revoir ses emballages. Il faut prendre des décisions vis-à-vis des bouteilles en verre très lourdes, évaluer le contenu recyclé et éviter les éléments qui rendent la bouteille moins recyclable. Cela vaut la peine de consacrer du temps et de l'énergie à cette tâche. Vous pouvez augmenter votre marge bénéficiaire, être plus durable, ne pas perdre de clients et attirer les jeunes qui achètent avec leur conscience ». Et si la filière parvient à mettre en place un système rentable et durable de récupération et de réutilisation des bouteilles ou autres conditionnements avec une facilité d’emploi « c’est la poule aux œufs d’or ».