n réponse aux questions des journalistes à l’issue de sa présentation sur l’imagerie pour le cancer cette semaine, le porte-parole de la Commission, Stefan De Keersmaecker, a confirmé que « l’étiquetage est un sujet important et comme vous le savez, nous travaillons là-dessus ». Assailli de questions par des journalistes notamment italiens, le représentant européen a évoqué « une étude d’impact et des travaux techniques en cours », dont l’objectif sera de « donner aux consommateurs les moyens de faire des choix éclairés en matière d'alimentation durable et saine ».
L’initiative s’inscrit dans le cadre de sa stratégie "De la fourche à la fourchette" et son plan "Vaincre le cancer". Selon Stefan De Keersmaecker, « une étude d'impact est en cours de préparation, comme c'est le cas pour toutes les propositions législatives concernant l'étiquetage. Elle se fonde sur des preuves scientifiques fournies par nos collègues de l'Autorité européenne de sécurité des aliments et du Centre commun de recherche, ainsi que sur des consultations avec les citoyens, les parties prenantes, les États membres, les entreprises, etc. Le travail à ce stade se poursuit en vue de recueillir des preuves supplémentaires ».
L’inquiétude est d’autant plus grande que la Commission européenne vient de donner son feu vert, par voie tacite, à un règlement technique irlandais qui définit les modalités prévoyant des avertissements sanitaires sur l’étiquetage des boissons alcoolisées. A ce propos, son porte-parole a réfuté l’idée que cette obligation constitue un obstacle à la libre circulation des marchandises, principe clé du Marché Unique. « Dans l'UE, les limitations à la libre circulation des marchandises sont strictement définies. Les restrictions ne peuvent être justifiées que par des raisons impérieuses telles que la santé ou la protection des consommateurs ». La Commission n’a pas l’intention de revenir sur cette autorisation, jugeant l’affaire close : « La Commission n'a pas formulé d'observations particulières et je pense qu'en l'absence d'un avis négatif, elle n'a plus à intervenir ici. Le processus a été traité ».
Même en affirmant, « j’aime le vin, je pense que nous apprécions tous un bon verre de vin », le porte-parole n’aura pas réussi à apaiser les esprits, à commencer par les Italiens. Tous les organismes professionnels en Italie sont vent debout contre le processus engagé par la Commission européenne, qu’ils estiment va à l’encontre de ce qui avait été décidé au sein du Parlement européen il y a un an. « Nous demandons l'intervention des pouvoirs publics à ce sujet », a déclaré Micaela Pallini, présidente de Federvini, qui regroupe les producteurs, exportateurs et importateurs de vins, spiritueux et liqueurs en Italie. La fédération propose de faire collaborer les organismes techniques italiens et des structures internationales comme l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) pour « entamer une phase de recherche qui nous permettra de nous fier à des études actualisées et à des recommandations raisonnables et équilibrées sur la consommation modérée de boissons alcoolisées ». Les professionnels italiens sont soutenus par leur ministre de l’Agriculture, Francesco Lollobrigida, qui affirme travailler avec l’Espagne et la France sur un document commun pour défendre le vin : « Pour les catholiques, dire que le vin est mauvais, c'est remettre en question ce qui se passe à la messe. Si le vin est mauvais pour vous, le mariage à Cana aurait été un moment d'empoisonnement collectif ! ».
De son côté, le président de l’Unione italiana vini, Paolo Castelletti, se demande « comment une réduction linéaire de 10% [de la consommation] peut se référer uniquement à la consommation nocive ». Et d’ajouter que « si l’objectif de la Commission doit être d’harmoniser ce sujet complexe et délicat au niveau européen », quelle est « l’utilité de multiplier les initiatives unilatérales des Etats membres », à l’instar de l’Irlande ? Signe du « décalage entre les décisions politiques prises par le Parlement européen et leur mise en œuvre effective par sa Commission », une lettre écrite de la Commissaire à la Santé, Stella Kyriakides, évoquerait selon l’UIV « l’intention de la Commission de travailler à l’introduction d’avertissements sanitaires sur les étiquettes de boissons alcoolisées ». Enfin, Paolo Castelletti demande au gouvernement italien « de construire une coalition de pays membres qui puisse aborder la question en commission ».
En décembre, l’OMS, avec le soutien de la Commission européenne, a lancé le projet EVID-ACTION (Evidence into Action Alcohol Project ou « Projet Alcool : des preuves aux actes »), qui contribuera à la réalisation des objectifs du Plan européen de lutte contre le cancer. Doté d’un financement de 10 millions d’euros, son but est de « sensibiliser la population et les décideurs aux liens entre la consommation d’alcool et les risques de cancer ». Les 3 objectifs spécifiques d’EVID-ACTION portent sur : des avertissements sanitaires sur les étiquettes des boissons alcoolisées ; un renforcement des capacités, la médecine préventive, la sensibilisation de la population et la mobilisation contre l’alcool ; le dépistage et les interventions brèves. « L’alcool est un agent cancérigène du groupe 1, dans la même catégorie que l’arsenic, l’amiante et le tabac. Pourtant, la plupart des gens ne sont pas conscients des nombreux risques que l’alcool recèle pour leur santé », a expliqué le docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, lors de la présentation du projet, « qui bénéficie du généreux soutien de l’UE » selon l’OMS.