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2022 dans le rétroviseur
Le bois noir devient un poids sur le vignoble

[Article paru le 17 janvier 2022] Les prospections 2021 confirment un développement inquiétant de la jaunisse, en particulier sur les jeunes vignes de chardonnay. Les vignerons concernés sont désemparés, n’ayant pas de meilleure solution que l’arrachage pour empêcher la propagation de la maladie.
Par Clément L’Hôte Le 27 décembre 2022
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Le bois noir devient un poids sur le vignoble
Symptômes de bois noir. Face à l'explosion de cette virose, les viticulteurs sont désemparés. - crédit photo : IFV
C

’est probablement dans le Jura que le problème a pris la tournure la plus inquiétante. « Le bois noir a explosé en 2019, puis de nouveau en 2021, constate Gaël Delorme, de la chambre d’agriculture du Jura. Surtout sur chardonnay. Et particulièrement dans les jeunes vignes, où l’on trouve des parcelles avec 50-60 % de pieds atteints. » Des chiffres obtenus, comme dans d’autres vignobles, à la suite des prospections de lutte contre la flavescence dorée. Comme celle-ci, le bois noir est une jaunisse de la vigne. Ces deux maladies possèdent les mêmes symptômes et ne peuvent être distinguées qu’à l’analyse. En zone concernée par la flavescence, la règle est claire : tout pied présentant des symptômes de jaunisse doit être arraché. Ailleurs, il faut obligatoirement supprimer les ceps diagnostiqués positifs à la flavescence dorée, mais pas ceux atteints de bois noir. Pour ces derniers, l’arrachage n’est que recommandé. Ce que personne ne fait de gaîté de cœur.

« Comment accepter d’arracher une parcelle en première ou deuxième année de production, en sachant qu’il y a surtout du bois noir et des chances que ces pieds se rétablissent ? interroge Gael Delorme. Les vignerons qui n’arrachent pas les pieds contaminés vivent avec. Mais cela pose problème dans des zones concernées par la flavescence dorée, comme à Arbois. »

Dans ce village, « il y a un peu une polémique entre vignerons et techniciens à ce sujet, confie Joël Morin, viticulteur et président de la Fruitière vinicole d’Arbois (Jura). « Chez moi, on a marqué 200 pieds dans une parcelle de chardonnay de 80 ares. Je dois les arracher. Ça met un coup au moral. Quand on a aussi des pieds positifs à la flavescence dorée, on comprend, mais sinon, c’est encore plus difficile. Beaucoup ne veulent pas arracher. »

"On n'ose pas estimer le coup des repiquages"

Car les conséquences sont lourdes pour les exploitations qui suppriment les pieds malades. « On n’ose pas estimer le coût des repiquages. Chez nous, maintenant, on a un gars qui ne fait presque que ça : complanter et entretenir les complants », rapporte Joël Morin. Et pour limiter la propagation de la maladie, pas de solution miracle. « On s’est dit qu’avec le traitement insecticide contre la flavescence, on allait limiter l’expression du bois noir. Or ce n’est pas probant. Il faut absolument que la recherche avance. »

L’inquiétude est vive en Champagne également. « Il y a eu une nette augmentation des détections en 2017-2018. Depuis, la situation est stable. Les meuniers et pinots sont moins touchés que les chardonnays, décrit Pascale Pienne, du Comité Champagne. Sur chardonnay, on peut observer de un à deux ceps touchés à l’hectare, et jusqu’à des centaines. »

Chouilly, dans la Côte des Blancs, fait partie des zones les plus atteintes. Dans ce village dédié au chardonnay, les analyses de cette année ne révèlent presque pas de flavescence dorée mais… 2 700 pieds positifs au bois noir. Jean-Pierre Vazart, vigneron sur 11 ha en bio à Chouilly, ne peut que constater les dégâts : « On a l’impression d’un épicentre qui s’étend. On en est arrivés à un point où c’est général. » Lui milite pour l’arrachage : « Sinon, on donne peut-être plus de matière à un potentiel vecteur pour propager la maladie. Dans les vignes où les pieds malades ne sont pas arrachés, on voit une progression l’année suivante par cumul des ceps expressifs. Mais cela fait encore plus de pieds à arracher et à repiquer. À tel point que j’ai investi dans une tarière. C’est malheureux à dire, mais la complantation est devenue un atelier spécifique. »

"Des vignes très jeunes sont touchées"

En Bourgogne, où la quasi-totalité du vignoble est prospectée, le constat est proche. En 2021, sur 3 281 échantillons analysés, 3 198 sont revenus positifs au bois noir. Le chardonnay souffre particulièrement. Et Benoît Bazerolle, de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or, tire la sonnette l’alarme : « Cette année, c’est la mauvaise nouvelle de trop. Il y a un ras-le-bol des viticulteurs. Des vignes très jeunes sont touchées, parfois même des repiquages de l’année. L’insecte vecteur Hyalesthes obsoletus est souvent très difficile à détecter. Y a-t-il d’autres vecteurs ? Et l’expression des symptômes est irrégulière d’une année sur l’autre. Est-ce dû à la climatologie ? Le traitement à l’eau chaude est-il efficace ? La profession est démunie. » Benoît Bazerolle espère une avancée de la recherche.

À Saint-Aubin (Côte-d’Or), le vigneron Benoît Bachelet a encadré la prospection 2021. « Certaines parcelles nous inquiètent. Je me souviens d’un rang d’environ 200 mètres où l’on a marqué 20 à 30 pieds. » Dans ce village de chardonnay, « c’est dans les vignes de 20-30 ans qu’on en a vu le plus ». Parfois, les vignerons laissent une chance aux ceps symptomatiques, espérant une rémission comme dans le Jura. Mais la plupart respectent la recommandation d’arracher. « Il faut dire que le bois noir n’est pas le pire des dépérissements pour nous, relativise Benoît Bachelet. Sur mes 10 ha, j’ai une cinquantaine de pieds jaunissants à arracher. Ce n’est pas grand-chose par rapport aux 2 500 repiquages prévus, dus pour la plupart au dépérissement du porte-greffe 161-49C. »

"On se pose beaucoup de questions"

La Côte chalonnaise est aussi très touchée. Chez Pierre de Benoist, gérant du Domaine de Villaine à Bouzeron : « Pas d’explosion cette année, mais une expression qui s’étend par zones, par cercles. On se pose beaucoup de questions, notamment de savoir si la taille propage la maladie. » Dans la commune voisine de Rully, Félix Debavelaere, du domaine Rois Mages, remarque « une importante recrudescence dans une parcelle très argileuse, avec 5 % de pieds symptomatiques, à vue d’œil. En revanche, mes vignes en coteau, qui ressuient bien, s’en sortent beaucoup mieux ».

Le Beaujolais prend également la question au sérieux. Denis Bec, coordinateur de la Fredon dans le Rhône, observe « une montée en pression du bois noir depuis quelques années. Des viticulteurs s’inquiètent de le voir exploser dans des vignes de 5 à 7 ans, voire plus jeunes ». Si les chardonnays du sud sont depuis longtemps concernés par cette maladie, « c’est de plus en plus le cas dans le nord, dans la zone des crus ». Un secteur très majoritairement planté en gamay, « un cépage sensible, mais pas autant que le chardonnay ». Sur 4 441 analyses effectuées en 2021 dans le Rhône, 3 401 se sont révélées positives au bois noir.



 

 

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