près un mois de mai caniculaire, la perspective d’un mois de juillet étouffant laisse fatalistes les vignerons. « Le monde du vivant est enraciné, on subit la météo » constate Gaëlle Vergnes, du domaine des Pentes de Barène (1,3 hectare en appellation Tursan, dans les Landes). Face au deuxième coup de chaud qui s’installe ce lundi 11 juillet, la vigneronne s’apprête à faire le gros dos : « on verra, on ne peut rien faire : on ne touche à rien. C’est toujours a posteriori » que l’on peut dire s’il fallait, ou non, traiter/effeuiller… Sa crainte, partagée, est de voir la maturité de ses raisins se bloquer sous l’effet du stress hydrique et l’avance du millésime 2022 se réduire comme peau de chagrin par manque d’eau.
Météorologiquement, le phénomène actuel de coup de chaud se divise en trois phases. La première « commence dès aujourd’hui par le Sud-Ouest et va monter en puissance jusqu’à jeudi aux environs de 38 à 40°C (peut-être plus localement), avec une remontée sur la façade ouest, jusqu’à la Loire » indique Emmanuel Buisson, directeur de recherche et d’innovation Weather Measures (Weenat). Ce jeudi 14 juillet, il y aura une baisse de la température sur le Nord-Est (33 à 37° en Champagne, Alsace, Bourgogne…), mais pas sur les vignobles de Bordeaux, du Sud-Ouest, du Sud de la Vallée du Rhône et de l’arrière-pays méditerranéen liste Serge Zaka, docteur en agroclimatologie pour la société de conseil ITK France. L’expert ajoute que la troisième phase du coup de chaud se traduira par une « remontée plus forte et plus incertaine des températures sur toute la France ». Un gros pic se profile du dimanche 17 au mardi 19 juillet confirme Emmanuel Buisson, qui ne souhaite pas alarmer, l’expert notant que certains modèles s’emballent au-dessus de 40°C en gérant mal les échanges entre sol et atmosphère.
Pas de fin… à date
Seule certitude à date : des vignobles resteront entre 36 et 42°C pendant une dizaine de jours. « C’est une vague de chaleur dans la durée. Le cumul de température peut être encore plus néfaste pour les plantes » analyse Serge Zaka, ajoutant que cette « canicule n’a pas encore de fin [à date] » et notant qu’à ces températures la vigne atteint ses résistances génétiques. « De 30 à 35°C, ça ne fait pas du bien à la vigne, mais ça ne bloque pas complétement. Au-delà ça bloque… » souligne Emmanuel Buisson, qui confirme que d’ici à la fin juillet, « on ne voit pas le bout des circonstances anticycloniques ».
Alors que l’été commence tout juste, les réserves hydriques sont basses, et les quelques pluies de juin semblent déjà loin (après un début d’année sec, et la canicule de mai). Pour les vignobles pouvant arroser, « il ne sert à rien de surirriguer, avec ces températures le feuillage sera à l’arrêt » préconise Loïc Debiolles, chargé d'affaire viticulture en irrigation chez ITK France, qui conseille de « continuer une irrigation normale pour maintenir l’humidité et la fraîcheur » afin de préparer la relance de l’activité végétale. Pour l’expert, les feuilles sont à surveiller, avec des enroulements et nécroses foliaires qui seront les symptômes du stress thermique.
Loïc Debiolles ajoute que le problème de ce coup de chaud est la durée du stress thermique, d’autant plus qu’il n’y aura pas de différence de températures entre les journées et les nuits (sauf pour les vignobles équipés de microsprinkler pour réduire les températures). Notant l’intérêt de l’ombrage par filet, il note que l’apport de fraîcheur autour de la zone fructifère pourra s’obtenir à l’avenir par d’autres expositions de vignobles et le recours à la conduite en gobelet. Face aux pics de chaleur extrême annoncés, l’agroclimatologue Serge Zaka souligne que les impacts sur un vignoble actuellement précoce reste innconnu : il y a rarement eu des observations de canicules avant le 15 juillet (en 1947 et 1976 le phénomène avait lieu fin juillet, en 2003 c’était en août…). Si la fin de cette canicule est inconnue, ces modalités le sont également. Mais il n'y aurait pas d'orages de grêle prévus sous 10 jours, ce qui est la seule bonne nouvelle à date conclut Emmanuel Buisson.