près treize éditions à Amsterdam, la World Bulk Wine Exhibition (WBWE) a pris ses quartiers au cœur du premier Etat américain producteur de vin et principale plateforme commerciale de la filière. « Cela fait longtemps que nous œuvrons pour que la WBWE puisse avoir lieu en Californie », souligne Otilia Romero de Condés, directrice du salon, qui a réuni neuf pays producteurs les 8 et 9 juin à Santa Rosa, dans le comté de Sonoma. « Mais nous voulions attendre que le moment soit propice et nous pensons que nous avons réussi notre pari. La pandémie a fait évoluer beaucoup de choses et donné un coup d’accélérateur au secteur des « private labels » aux US ».
Que ce soit la demande émanant des grands distributeurs, des sites de vente en ligne, des cavistes, établissements du CHR ou bien des personnalités à l’instar de Cameron Diaz, les "private labels" ont indéniablement secoué le marché américain ces dernières années. Et pour répondre à cette demande, le vrac – de qualité – est particulièrement bien placé. « Il y a dix ans, le marché du vin en vrac concernait principalement les établissements vinicoles qui devaient maintenir leur production de vin et les grandes sociétés d'achat détentrices de marques de distributeur bien consolidées », retrace Otilia Romero de Condés. « Bien évidemment, cela reste vrai, mais un nouveau marché exigeant des vins en vrac de qualité a émergé et est désormais en plein essor… Au cours des deux journées du salon, nous avons rencontré beaucoup d’entrepreneurs spécialisés dans les private labels qui recherchent des profils de vins spécifiques pour lancer de nouveaux concepts de marque ».
Son avis est amplement partagé par Eric Lanxade, directeur opérationnel chez Cordier Excel SudVin, l’un des quatre exposants français lors de la première édition californienne de la WBWE. « La pandémie et la pénurie de matières sèches est en train de modifier profondément le paradigme de l’univers du vrac », note ce professionnel particulièrement bien rodé aux rouages du marché international du vrac. Et de citer les multiples questionnements des consommateurs sur leur santé, provoquant une demande accrue de vins vegan, sans sucres ajoutés, sans gluten et faiblement alcoolisés, pour ne citer qu’eux. « En deux ou trois ans de pandémie, ce sont des choses qui se développent à une vitesse impressionnante et tous ces produits sont demandés dans l’univers du vrac. Pour la France, c’est une bonne nouvelle, parce qu’on sait faire ».
Eric Lanxade (à gauche) avec Benoît Roussillon, directeur de Cordier USA, lors de la WBWE à Santa Rosa


Tout aussi manifeste, l’explosion de la demande de nouveaux contenants. « Pour les cannettes et les keykegs, la question ne se pose plus, c’est une vraie tendance de fond », affirme Eric Lanxade. « La nouvelle tendance, en revanche, porte sur le rapprochement du vrac et des consommateurs ». A l’image de l’offre en vrac de produits alimentaires – qui permet de déstigmatiser le vin en vrac – les gros contenants, ou « wine tanks », font de plus en plus leur apparition sur les lieux de consommation directement, à l’occasion de festivals ou autres matchs de football, ou bien dans les gros pubs, imitant la mode des brasseries artisanales. En amont, la souplesse offerte par le vrac le rend aussi de plus en plus attrayant à des opérateurs entravés par les problèmes logistiques. « La crise liée à l’Ukraine et la pénurie de matières sèches ont favorisé les nouveaux contenants », poursuit Eric Lanxade. « Tous les opérateurs, même ceux de la bouteille, veulent développer une activité vrac. Ils ont du vin en cuve et cela leur permet de faire, de manière très agile, des mises de cannettes, de keykegs, de petits bag-in-boxes ou de bouteilles. Les délais d’approvisionnement sont tellement longs, qu’une commande conditionnée, en France ou ailleurs, a perdu le sens de cette spontanéité une fois arrivée sur place ».
Pour la maison Cordier cette nouvelle demande s’est soldée par des projets qui commencent à se concrétiser, non pas en Californie mais sur la Côte Est des Etats-Unis. « Nous sommes porteurs de solutions à des opérateurs qui rapprochent le vrac aux consommateurs et l’achètent déjà à un prix intéressant. Comme il va très vite au consommateur, il y a une redistribution des marges et de la richesse ». Résultat : un raccourcissement des circuits de distribution qui réorganise toute la distribution. « En tant que Français, si on veut exister, avec une réputation encore plutôt sympathique et qualitative, on se doit d’exister dans cet univers qui émerge. Le vrac devient vraiment tendance ».
Ce n’est pas Otilia Romero de Condés qui dira le contraire. Et d’ajouter : « Les private labels, les modes de packaging et les nouveaux consommateurs représentent l’avenir pour le marché du vrac aux Etats-Unis. Un avenir qui doit également se focaliser sur le développement durable. Le vin en vrac est plus vert et plus durable ». D’ici là, les organisateurs de la WBWE veulent développer le visitorat du salon, leur objectif avoué étant de devenir à moyen terme « un outil privilégié », permettant aux opérateurs d’identifier facilement et efficacement les profils de vin qui correspondent à leurs projets, et de positionner et améliorer les marges des opérateurs sur un marché « qui valorise les vins en vrac de qualité ».