ans le pays qui a vu naître, il y a un siècle tout juste, la Prohibition, les autorités fiscales viennent de publier un rapport qui prône des modifications réglementaires pour renforcer la concurrence et faciliter l’accès au marché aux petits opérateurs. Réalisé à la demande de l’Administration Biden, le rapport de 64 pages incorpore plus de 800 commentaires émanant d’organismes professionnels, opérateurs, agences gouvernementales, groupes d’intérêts publics et consommateurs. Il s’inscrit dans le cadre d’une volonté exprimée par le gouvernement américain de lutter contre ce qu’il estime être une consolidation excessive dans certains secteurs d’activité, dont celui des boissons alcooliques. Il faut dire que l’abrogation de la Prohibition en 1933 a donné lieu au 21ème amendement qui transfère le pouvoir de décision sur la commercialisation des boissons alcooliques des autorités fédérales aux Etats. D’où la complexité et l’absence d’harmonisation de la règlementation concernant la distribution d’alcool aux Etats-Unis.
Principale boisson épinglée dans le rapport : la bière, car en effet, les deux plus grands brasseurs contrôlent les deux-tiers de la valeur du marché au niveau national. Les Etats-Unis comptent 6 600 wineries en activité, soit peu ou prou le même nombre d’opérateurs que dans le secteur brassicole. Si la consolidation au sein de la filière vin est moins marquée que pour la bière, le rapport rappelle toutefois certaines opérations de rachat qui ont été retoquées, comme l’offre proposée en 2019 par Gallo sur une trentaine de marques et des installations de vinification appartenant à Constellation. Mais c’est surtout la concentration au niveau de la distribution qui pose problème, incitant les auteurs du rapport à proposer une plus grande vigilance dans l’application des lois anti-monopoles. « Bon nombre de commentateurs ont pointé la consolidation au niveau de la distribution comme étant la plus grande menace à la libre concurrence sur le marché de l’alcool », note le rapport, qui cite « un très petit nombre de très grands grossistes qui contrôlent une partie importante des ventes de vins aux Etats-Unis ». Les distributeurs sont également montrés du doigt pour leurs pratiques anticoncurrentielles, comme le traitement préférentiel de certains fournisseurs. Certaines pratiques sont même entérinées par loi, à l’instar de réglementations dans certains Etats (« post and hold ») qui favorisent les ententes sur les prix entre grossistes et augmentent les prix consommateurs.
Reste à savoir ce que les autorités fédérales pourront y faire pour modifier la réglementation relative à la distribution et faciliter l’accès au marché, sachant que ce sont les Etats eux-mêmes qui gèrent cet aspect-là. En revanche, le rapport propose d’autres changements qui pourraient impacter le marché du vin. Il est question, notamment, d’étiquetage : plusieurs propositions sur l’étiquetage des allergènes, des ingrédients et des informations nutritionnelles élaborées par le TTB, l’agence qui dépend du Trésor et qui est chargé de la réglementation sur les boissons alcooliques, n’ont pas abouti. Les auteurs du rapport préconisent que le TTB revoie ses pratiques « pour prioriser les règles d'étiquetage qui protègent les consommateurs et la santé publique », estimant aussi que cela favoriserait une concurrence plus équitable. Dans le même temps, ils recommandent de réduire ou d’éliminer « les exigences réglementaires qui engendrent des coûts de mise en conformité et peuvent constituer des obstacles aux nouveaux entrants ou des charges pour les petites entreprises ». Par ailleurs, le dispositif fiscal fédéral, qui fait le distinguo entre le vin, la bière et les spiritueux, est identifié comme une source potentielle de distorsion de la concurrence. Enfin, le rapport suggère une accélération du processus réglementaire d’approbation de nouvelles pratiques œnologiques pour les producteurs américains, pour les mettre sur un pied d’égalité avec leurs concurrents sur les marchés étrangers. Quel que soit l’accueil réservé par les Etats à ces différentes propositions, au moins celles-ci auront le mérite d’ouvrir le débat et de renforcer la crédibilité des opérateurs qui tentent de faire évoluer le système.