Diala Younes Lavenu : L’œnologie a fait sa grande révolution il y a 25 ans autour de la microbiologie et de la connaissance des levures et bactéries. Les vignerons ont atteint une très grande maîtrise des procédés fermentaires. Aujourd’hui, leurs défis sortent des portes du chai. En amont, ils doivent trouver le moyen d’adapter leur vignoble au changement climatique et aux nouvelles contraintes environnementales. En aval, ils doivent répondre aux demandes de la société pour des produits respectueux de leur santé. Les consommateurs ont également changé de goût.
Les vignerons peuvent-ils encore faire les vins qui leur plaisent ?
Beaucoup utilisent encore les différents produits œnologiques à leur disposition pour sortir de grands vins qui trouvent leurs débouchés sans difficulté. Mais le consommateur fait de plus en plus la loi. Il plébiscite les vins plus fruités et légers et achète de plus en plus de produits bio, ou ayant nécessité peu ou pas d’intrants. Les vins sans SO2 ajouté ou même nature ne cessent de gagner des parts de marché.
Faire du vin est-il plus facile ou difficile qu’avant ?
Plus difficile, puisqu’en plus de ne plus pouvoir se contenter de faire le vin qui leur plaît, les vignerons enchaînent les millésimes difficiles. Entre le gel, la grêle, ou les épidémies de mildiou, il n’y a plus d’années normales. Être viticulteur aujourd’hui demande des nerfs bien solides. Au printemps, ils doivent constamment être sur le qui-vive pour bien positionner leurs traitements, avec de moins en moins de matières actives disponibles. Rentrer un raisin sain est de plus en plus compliqué. Et une fois au chai, pour le vinifier avec peu d’intrants, ils doivent se montrer hyper vigilants sur l’oxygène, les niveaux de sulfites actifs, et réaliser de nombreuses analyses pendant l’élevage et avant la mise en bouteille pour éviter les déviations microbiennes. Chaque étape demande une immense technicité.
Pensez-vous à d’autres changements ?
Peut être à la féminisation du métier. Quand j’ai passé mon diplôme national d’œnologue en 2008, ma promotion comptait 35 % de femmes. Aujourd’hui elles sont 60 % dans les formations. Mais ce ne sera une bonne nouvelle que lorsqu’elles auront acquis l’égalité salariale. Malheureusement, une fois dans la vie active, leurs rémunérations sont toujours à la traîne par rapports à celles des hommes.