Aptitude d'un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques » selon le Larousse, la résilience semble être devenue le nouveau mantra politique face à l’adversité. Une forme d’appel au dos rond qui incombe à chacun, le temps que la crise passe. Bien connue dans les vignobles, victimes depuis des décennies d’aléas climatiques et de retournements de marché, la résilience atteint ses limites après une succession de crises ne laissant aucun répit à la filière vin : taxes Trump et replis chinois en 2019, pandémie de covid depuis 2020, gel historique de 2021, incertitudes exacerbées par l’invasion russe de l’Ukraine ce début 2022… Face à la barbarie subie par le peuple ukrainien depuis un mois, ces épreuves économiques peuvent sembler dérisoires. Mais ce n’est qu’un échantillon macroéconomique, chaque entreprise faisant face au flot continu d’une multitude de défis spécifiques (transition agroécologique, recrutement de personnel, diversification de la commercialisation…).
Entre hausse des charges et baisse des marges, les domaines sont conduits à réduire les investissements (techniques, assurantiels…) et à hypothéquer leur avenir (avec leur compétitivité). C’est moins la résilience que la résignation qui semble toucher le vignoble ce printemps. En bout de rang, il n’est question que de la stupeur face aux nouvelles hausses des fournitures : +15 % la bouteille, +20 % le carton, 300 % le piquet entend-on... Et ce, alors que les précédentes hausses ne sont toujours pas digérées. Cet emballement ne manque pas de causer de la colère, qui se canalise ponctuellement comme lors de la récente manifestation vigneronne de Carcassonne, mais semble plus globalement être source d’abattement. Comme si le mécontentement cédait la place au fatalisme : à une vision passive de la résilience, en attendant que ça passe. Mais la résilience n’est pas un abattement, c’est un combat pour « se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques ».
Malgré le flot quotidien d’inquiétudes et d’incertitudes, il s’agit de « tenir, tenir, tenir debout et demain » comme le chante Berry. Ça tombe bien, aujourd’hui comme demain sont ensoleillés : le printemps arrive, et la fraîcheur de l’hiver permet même de retarder le débourrement. De quoi apaiser les craintes de risque gélif et de se projeter sur tout ce qu’il y a construire pour que ce millésime 2022 qui s’annonce soit une réussite, technique et commerciale.