Pascaline Lepeltier : Je commence à réaliser ce que cela représente. Je n’avais pas organisé mes 10 prochains mois ! Le chronomètre est enclenché, 10 mois passent très vite. Le niveau qu’il faut avoir en termes de connaissances internationales est très élevé. L’Association de la Sommellerie Internationale (ASI) tient à ce que chacun de ses [60] pays membres soit représenté dans les épreuves. J’ai des lacunes sur des vignobles d’Europe de l’Est et des boissons d’Asie : il va me falloir apprendre. C’est super stimulant, c’est le monde ! On va mettre en place un planning d’entraînement.
Quel est sens de s’infliger une telle épreuve, et de tels sacrifices ?Je n’y vois pas de sacrifice, mais un mécanisme d’apprentissage. C’est un projet porté collectivement : j’en ai parlé à mon épouse et mon équipe de restaurant qui me soutiennent (je ne l’aurai pas fait sinon). Toute une équipe de France est engagée avec moi pour en faire quelque chose de très positif et que tout ce qui soit engrangé serve à la prochaine compétition et nous permette de devenir de meilleurs professionnels. J’aime apprendre.
Vous qui avez déjà l’expérience des concours de sommellerie, quelle est votre épreuve préférée ? quelle est celle qui vous fait le plus peur ?
Tout me fait peur ! Déguster le vin est un plaisir, j’aime servir sinon ce ne serait pas mon métier. Le plus dur, c’est la gestion du stress. Ce qui me fait peur, c’est de ne pas être capable de mobiliser toute ma force et toute ma concentration [lors de l’épreuve]. Il faut d’abord passer le quart de finales : un grand questionnaire théorique, des épreuves de dégustation à l’aveugle et un exercice très rapide de 3 à 4 minutes. On est nombreux, il y a beaucoup d’attente : ça veut dire mobiliser sa sérénité et ses connaissances. Le reste, c’est du travail.
Ça devient incroyablement compliqué avec le niveau qualitatif mondial qui augmente et des vignerons qui jouent avec des cépages internationaux et locaux. Il y a des choses que je n’ai jamais goûtées ! le but est moins de trouver le vin que de le comprendre. C’est un travail de compréhension sur ce qui a été fait à la vigne et en cave à partir des éléments de dégustation (sucrosité, alcool…). Ça oriente et permet de diminuer le champ des possibles pour marquer des points. Je vais travailler sur la connaissance de mon palais pour avoir des clés de références.
Vous travaillez à New York au restaurant Racines, vous verra-t-on plus en France ces prochains mois ?
Racines va d’abord changer de nom, de chef et de concept (ce sera plus un restaurant et moins un bar à vin). Je cale actuellement des dates d’entraînement en France et pourrai prévoir des déplacements à l’étranger sur des points spécifiques. Le nerf de la guerre, c’est le travail au restaurant. J’ai la chance d’être à New York où il y a un accès facilité à de nombreux vins. J’ai la chance d’être assisté dans ma préparation par de nombreux professionnels.
Vous participerez au concours du meilleur sommelier du monde à Paris, qu’est-ce que cela représente pour vous ? D’autant plus que l’un de vos mentors est le défunt Gérard Basset ?C’est une chance incroyable de pouvoir prétendre représenter la France. Parmi les gens qui m’ont enseigné le vin, Gérard Basset avait une vision des concours comme une dynamique d’apprentissage. Ce qui lui a permis d’entraîner beaucoup de personnes et de sommeliers (notamment au Royaume-Uni). Avoir Gérard Basset comme figure tutélaire m’inspire : il est toujours là dans ma tête quand j’ai un doute. C’est un grand monsieur du vin, j’aimerais le rendre fier.
Après des études philosophie et une reconversion vers la sommellerie, Pascaline Lepeltier décrochait en 2006 son premier titre meilleur jeune sommelier des vins de la Loire et de Bretagne. Installée à New York depuis 2009, elle a validé le diplôme de Master Sommelier en 2014. En 2018, elle cumule les titres de meilleur sommelier de France et de Meilleur Ouvrier de France (MOF).