our eux, l’affaire du négociant de vin en vrac Raphaël Michel et son épilogue de la reprise par le groupe Labruyère sous le nom Anagram ne sont pas finis. « Je suis l’un des vignerons qui a fait confiance dans la reprise d’Anagram », mais « ce n’était pas un repreneur, mais un fossoyeur ! » pose le vigneron Pascal Boiteux (domaine Graillefiot, à Sabran dans le Gard), membre d’un collectif de créanciers revendiquant une trentaine de membres. Dont des apporteurs de raisins* auprès du négoce Dolia (filiale de Raphaël Michel) passés chez Anagram (à la reprise de 2018), sous accord d’un remboursement de dette sur trois ans, qui ne sera jamais complété à la suite de la liquidation sèche du vracqueur (fin 2021 par le tribunal de commerce de Montpellier).
Pour ces vignerons n’ayant récupéré que les deux tiers de leurs créances, il semble que leur sang n’ait fait qu’un tour à la lecture de l’interview publié ce 21 février du repreneur de Raphaël Michel, Sébastien Bouvet-Labruyère. « On ne boit pas les paroles de Monsieur Bouvet comme du petit lait » tonne Pascal Boiteux, qui juge insatisfaisante la gestion du repreneur et indique que des signalements ont été déposés pour mauvaise gestion auprès de la justice, aux parquets de Carpentras et de Montpellier. « Il n’y a pas eu de bilan publié pendant deux ans, ce qui, outre le fait que ce manquement soit puni par une amende pénale, n’a pas permis d’avoir de la visibilité sur la santé financière de l’entreprise alors que l’on continuait à y apporter nos raisins » indique notamment le vigneron, jugeant que les frais de gestion de LDI supplémentaires à ceux d’Anagram étaient trop importants (550 853 euros en trois ans), alors que le négociant vendait à perte ses stocks de vin (hérités de Raphaël Michel pour LDI, pas seulement pour les créanciers) et se débarrassait d’actifs valorisés (comme ses vignes au Chili). « Il y a eu 14 millions € de pertes cumulées en à peine plus de 2 ans ! C’est une destruction de valeur par des pertes cumulées par rapport à l’absence de restructuration ! » tranche Pascal Boiteux. Qui juge qu’« Anagram a concrètement créé de la dette supplémentaire »


Sollicité par Vitisphere, Sébastien Bouvet-Labruyère ne souhaite pas commenter, mais confirme les propos tenus lors de l’interview post-mortem d’Anagram. Pour le repreneur, les créanciers vignerons de Raphaël Michel ont pu bénéficier d’un remboursement certes incomplet, mais « cela aurait été zéro s’il n’y avait pas eu de reprise. Il y en a qui verront le verre à moitié vide, mais je le vois à moitié plein » expliquait le mois dernier Sébastien Bouvet-Labruyère, soulignant que ce passif préexistant avait participé à l’échec de cette reprise. En matière de vente de vins à perte, cela découlerait d’un déséquilibre entre les estimations de la valeur des vins repris en 2018 et de leurs prix réels sur le marché (concernant des millésimes mal conservés avec l’arrêt d’activité de Raphaël Michel).
Pas de quoi convaincre Pascal Boiteux, qui ne compte pas laisser péricliter le dossier. Contacté, le parquet du tribunal judiciaire de Carpentras indique que dans le cadre d’un signalement au procureur, « il s’agit juridiquement d’une dénonciation qui doit faire l’objet d’une éventuelle enquête pour apprécier la réalité des faits ».
* : Mais également des apporteurs de vin en vrac, des prestataires de services et des transporteurs, ainsi que des apporteurs de raisins et vin d’après la reprise.