J’ai la chance d’avoir passé mes dernières grosses commandes de GNR en fin d’année, témoigne Laurent Rousseau, des vignobles éponymes, à Abzac, en Gironde. J’ai du stock et je n’ai pour l’instant pas trop subi la flambée des prix ».
Le viticulteur s’est cependant rendu compte des tensions sur l’approvisionnement. « J’ai demandé 1 000 litres à mon fournisseur Alvéa pour être tranquille quand je vais désherber mécaniquement sous le rang une trentaine d’hectares. Je n’ai pu en avoir que 500, alors que j’ai besoin de plus de 150 litres par jour de travail ».
Les compagnies énergétiques ont fait le choix de plafonner leurs commandes suite au ralentissement du trafic maritime jusqu’au port de Bassens. « A court terme, je devrais pouvoir encaisser la hausse des prix, mais certains de mes confrères savent qu’ils vont devoir repasser au chimique, assure Laurent Rousseau. Et je crains déjà la récolte, avec une consommation quotidienne de quasiment 300 litres ».
Cette semaine, le viticulteur a dû faire face à une autre déconvenue. « J’ai voulu commander 1 000 litres de fioul pour réchauffer mes cuves de vin mais je n’ai pu en avoir que 300, regrette-t-il. Même si nous sommes en mars, les particuliers ont peur de l’évolution de la situation en Ukraine et font le plein pour chauffer leurs habitations ». Et Laurent Rousseau ne sait pas combien il va le payer. Il sera fixé à la livraison.


« La situation ne nous fait pas rire du tout » renchérit Jérôme Boyé, président de la cave coopérative audoise Anne de Joyeuse. « J’ai commandé 3 000 litres il y a une semaine et j’en ai eu pour 1,80€ TTC/L ». Le viticulteur les a exceptionnellement stockés dans la cuve qu’il réserve normalement à la machine à vendanger.
A Epernay, le fournisseur CPE, filiale de TotalEnergies, ne préconise pas aux vignerons de surstocker. « Aujourd’hui le GNR coûte presque autant que le diesel à la pompe, mais on nous annonce une baisse, indique un de ses employés ce lundi 14 mars. Quoiqu’il en soit notre quotidien est très tendu, les prix varient dans un sens ou dans l’autre en permanence et nous sommes obligés de diviser par 2 voire 3 les commandes de nos clients pour livrer tout le monde ».
Responsable des travaux mécanisés pour les vignobles de la Côte des Blancs de Moët Hennessy, en Champagne, Julien David témoigne effectivement de retards de livraisons. « Nous faisons le maximum pour optimiser nos passages avec différents outils mais nous n’allons pas révolutionner notre stratégie d’entretien des sols pour ne pas prendre le risque de nous faire dépasser par les adventices et de mettre la vendange en péril » explique-t-il.
Vigneron de Beaumes-de-Venise, Théo Xavier a pu participer à une commande groupée lancée par mail par le syndicat des Jeunes Agriculteurs. « Cela m'a pris 5 minutes et m'a permis d'avoir le litre à 1,63€ au lieu de presque 2€. Nous ne pouvons rien changer aux cours, en revanche nous pouvons retrouver le sens de la coopération. Et surtout, il faudrait que l'agriculture bénéficie d'exonérations fiscales sur le GNR, comme les pêcheurs ».
Pour l'heure, comme l'indiquent nos confrères de la France Agricole, le Premier ministre a annoncé « une remise carburant à la pompe de 15 centimes par litre ». Cette remise concerne aussi bien les particuliers que les professionnels, dont les agriculteurs avec le GNR. La mesure entrera en vigueur le 1er avril 2022.