Кто не рискует, тот не пьёт шампанского » : « il n’y a que ceux qui prennent des risques qui boivent du Champagne » aime dire le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, citant un proverbe russe. Mais tant que la guerre en Ukraine se poursuit, fini le Champagne pour l'homme fort du Kremlin et les oligarques russes. C’est l’esprit des sanctions annoncées ce 11 mars à Berlin par le groupe des sept (le G7, réunissant Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) : « nous veillerons à ce que les élites, les mandataires et les oligarques qui soutiennent la guerre du président Poutine soient privés de leur accès aux biens et actifs de luxe. Les élites qui soutiennent la machine de guerre de Poutine ne devraient plus être en mesure de récolter les bénéfices de ce système, gaspillant les ressources du peuple russe. »
Comme le précise la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, « nous interdirons l'exportation de tout produit de luxe de l'Union Européenne de nos pays vers la Russie, comme un coup direct à l'élite russe. Ceux qui soutiennent la machine de guerre de Poutine ne devraient plus pouvoir profiter de leur train de vie somptueux alors que des bombes tombent sur des innocents en Ukraine. » Cette annonce s’intègre dans une quatrième vague de sanctions depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce 24 février, « pour isoler davantage la Russie et assécher les ressources qu'elle utilise pour financer cette guerre barbare » ajoute la présidente de la Commission (qui annonce également le versement de 300 millions d’euros d’aides à l’Ukraine).
Hautement symbolique, cette mesure d’embargo reste encore floue ce 12 mars dans sa mise en pratique. En Europe, le concept de « biens de luxe » évolue selon les pays sanctionnés (et les échanges enregistrés par le passé). Pour l'embargo vers la Syrie de 2012, l'interdiction d'exportation vise globalement les vins et spiritueux vendus plus de 50 euros le litre (soit 37,50 € la bouteille de 75 cL). Pour la Corée du Nord en 2019, l’annexe VIII du règlement communautaire 2017/1509 (pris suite à une décision du conseil de sécurité des Nations Unies datant de 2006), ce sont 300 classes douanières qui sont concernées, allant du caviar à la maroquinerie, en passant par les cosmétiques, les chevaux de race, les truffes… et les vins. Sont notamment listés les vins de Champagne (code 2204 10 11), vins IGP (2204 10 94), les crémants (2204 10 93)...
Le cadre spécifique appliqué au marché russe devrait être fixé prochainement par la Commission Européenne en termes de modalités d'embargo [ajout du 16 mars : le détail est disponible ici]. Des vins d'appellation aux cognacs, la majorité des expéditions françaises de vins et spiritueux vers la Russie est déjà suspendue dans les faits. Entre mouvement de rejet de l’invasion de l’Ukraine et constat de l’insécurité des transactions (des assurances-crédits à la dévaluation du rouble), il y a un embargo de facto sur l’alimentation en vins et spiritueux français du marché russe.
Pointant officiellement à la quarantième place des exportations de vins français en volume (avec 35 000 hectolitres en 2021, +18 % en un an), la Russie se trouve en réalité à la quinzième place quand sont pris en compte les importations russes de vins français (avec 198 00 hl, +22 %) selon les statistiques de Business France (se basant sur les données douanières). Via un réseau de réexportations, le marché russe s’alimente notamment par les pays baltes (notamment la Lettonie et la Lituanie).