Les prochains mois seront sombres » reconnaît Yvan Astier, le directeur général du transporteur Hillebrand France. Qui confirme les inquiétudes de la filière vin concernant l’impact de l’invasion russe de l’Ukraine sur sa logistique export. Si l’expédition de vins et spiritueux sur la zone même du conflit militaire, soit l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie, est directement mise à mal*, les expéditions vers d’autres destinations sont également désorganisées. Et ce sur tous les modes de transports.
Pour le maritime, « il n’y a plus d’accès aux ports russes et des compagnies ont décidé de ne plus opérer sur la zone » pointe Yvan Astier. Ajoutant que pour le ferroviaire la route de la Soie est fermée et que pour l’aérien, les survols étant interdits en Biélorussie, Ukraine et Russie, les compagnies aériennes suspendent leurs transports de marchandise, ce qui « pose problème pour envoyer vers l’Asie des vins et spiritueux premiums ou nécessitant un réapprovisionnement en cas de rupture ».
Le point logistique le plus épineux semble être celui du transport routier. Au-delà des détours pour éviter les pays en guerre (en passant par la Lettonie pour certaines destinations, mais sans alternatives pour le Kazakhstan, l’Ouzbékistan…), les camions font face à un manque soudain de pilotes. « C’est le problème majeur. Il y a beaucoup de camion venant d’Europe de l’Est, de Pologne et de Roumanie, mais beaucoup sont conduits par des Ukrainiens. Ils ont laissé leurs camions et sont partis, comme ils sont mobilisés » note Yvan Astier. Alors qu’il y avait déjà des tensions sur les conducteurs de camion, la filière logistique estime qu’il lui manque 100 000 paires de bras manquent.
En ajoutant l’augmentation du prix du baril de pétrole, le coût du transport va automatiquement continuer de monter. Et pas seulement sur les routes. Avec l’affaiblissement de l’euro face au dollar, les transports maritimes réglés en dollars vont devenir de plus en plus chers pour les Européens. Alors qu’il manque toujours d’espace, de containers et de navires depuis le début de la crise covid pour assurer un transport maritime suffisant, ces tensions supplémentaires sur les flux routiers vont encore retarder les perspectives de retour à la normale. « On a vécu des mois difficiles de transports maritimes**, et ça ne s’était pas arrangé. Le manque de conducteurs sur l’ensemble de l’Europe est un à coup qui va rendre la situation encore plus difficile » conclut Yvan Astier.
* : Si les vins et spiritueux ne font pas partie des produits interdits à l’exportation vers la Russie par la liste des sanctions européennes, les exportateurs doivent veiller à ce que leurs clients ne soient pas la propriété des 500 oligarques proches du Kremlin visés par des sanctions. À ces règles s’ajoutent les risques de non-paiement des clients. « Les crédits assurances n’assurent plus les créances en Russie, Ukraine et Biélorussie, ils ne veulent pas prendre de risques » glisse Yvan Astier, soulignant la chute des monnaies de ces pays.
** : « Et routiers vers la Grande-Bretagne » indique le directeur de Hillebrand, qui note que la situation se stabilise maintenant que le Brexit est passé.