emis ce 9 février, le titre de meilleur mémoire du master 2 "Droit de la Vigne et du Vin" de l’université de Bordeaux récompense le travail mené par Pierre-Louis Ducasse sur un sujet pouvant sembler tout sauf vitivinicole : "Le Droit du Scotch". Revenant sur l’encadrement des termes "scotch whisky", ce travail résonne pourtant avec l’utilisation croissante de mentions traditionnelles (grand cru classé, premier cru classé, 1855…) sur les étiquettes de spiritueux ayant connu un élevage final en fûts de propriétés bordelaises (le finishing).
« La pratique du finish revient à la mode, la filière se doit d’être vigilante. De plus en plus de microdistilleries urbaines se créent. Tous les spiritueux y ont recours, mais surtout les whiskies écossais » pointe Jean-Baptiste Thial de Bordenave, le directeur du cabinet DLLP Wine (DLLP Avocats) qui soutient le prix du meilleur mémoire. Si le finish est une pratique traditionnelle, les pratiques d’étiquetage épinglés par la veille juridique des conseils des crus classés en 1855, de Graves et de Saint-Émilion tiennent du détournement de notoriété. « Pourquoi indiquer "grand cru classé" en français et non en anglais "classified growth" ? Cela montre une volonté de s’approprier la notoriété de la mention* » note Jean-Baptiste Thial de Bordenave.


Au sein de la filière vin, « il est nécessaire de sensibiliser les producteurs sur l’usage de leurs barriques pour préserver la valeur des mentions traditionnelles » prévient Sylvain Boivert, le directeur du conseil des grands crus classés en 1855 qui est partenaire du prix du mémoire. Qui souligne que l’« on ne peut pas mettre sur un même piédestal le niveau d’excellence d’une appellation avec des produits industriels ». Ne pas agir risquerait de conduire au « syndrome Pierre Cardin, qui a cédé sa licence à tout le monde jusqu’à ce qu’elle ne vaille plus rien. A-t-on envie de devenir les Pierre Cardin du vin ? » renchérit Jean-Baptiste Thial de Bordenave. « C’est la définition de la dilution par maître Éric Agostini : "une diffusion anarchique du signe dans l’espace public" » renchérit le professeur Ronan Raffray, le directeur du master 2. Qui souligne tout le paradoxe des opérateurs écossais : « les mêmes qui réclament une protection [pour le scotch whisky] peuvent se retrouver à enfreindre les règles d’autres produits pour leurs propres produits ».
Pour contrer ces usages de mentions vitivinicoles codifiées, les solutions se trouvent dans le droit de la consommation. La mise en avant d’un finishing « aux barriques de grands crus classés » peut en effet tromper le consommateur, les mentions traditionnelles justifiant une qualité supérieure. « Les mentions traditionnelles grand cru, cru classé, etc. sont des mentions valorisantes qui laissent penser au consommateur qu’il est en présence d’un produit d’une qualité supérieure à celle d’un produit n’en bénéficiant pas. Il est donc naturellement prêt à payer davantage pour se le procurer » pointe Jean-Baptiste Thial de Bordenave. Si de nombreux dossiers litigieux sont réglés à l’amiable (après un rappel à la réglementation), certains usages détournés des mentions traditionnelles sur les étiquettes de whisky nécessitent de faire appel aux services des fraudes de chaque marché. L’enjeu étant de sensibiliser les administrations à ces contrôles, pour placer le curseur le plus haut possible explique Sylvain Boivert.
* : Conformément à la réglementation européenne en vigueur, le périmètre d’action de cette veille se limite aux mentions traditionnelles en français (leurs traductions n’étant pas protégées).