n 2020 et 2021, la Californie a connu deux récoltes nettement en-dessous de celles des années précédentes. Parallèlement, l’arrivée de la pandémie en mars 2020 a donné un nouvel élan à la commercialisation des vins californiens, tandis que les incendies l’été suivant ont contribué aussi à suspendre les problèmes de surproduction. Mais si on fait un zoom arrière pour avoir une perspective élargie, il devient évident que ces épisodes ne constituent que des palliatifs et que le problème est bien structurel. Pour preuve, malgré deux petites récoltes, le prix des raisins et des vins en vrac fin 2021 en Californie ne s’en trouve pas amélioré. « Cela en dit long sur les volumes stockés dans les caves et ce dont elles ont besoin », affirme Rob McMillan, auteur du rapport annuel de la Silicon Valley Bank. « Le secteur ne prévoit pas d’augmentation de la consommation ».
Les experts et responsables professionnels s’accordent à dire que la superficie du vignoble californien dépasse les besoins du marché. Parmi les acteurs qui réclament depuis déjà quelques années un gros effort d’arrachage, l’association de coopératives Allied Grape Growers a de nouveau martelé les dangers imminents de surproduction lors de l’Unified Wine & Grape Symposium fin janvier à Sacramento. Son président Jeff Bitter a affirmé à cette occasion que la superficie actuelle du vignoble pourrait produire 4 millions de tonnes de raisins de cuve pendant plusieurs années consécutives (contre 3,6 et 3,4 MT en 2021 et 2020) et que si c’était le cas, « nous pouvons nous retrouver dans un contexte de surproduction ». L’association estime qu’il faudrait arracher au moins 12 000 hectares à travers l’Etat pour rééquilibrer le marché des raisins de cuve. Compte tenu des superficies déjà plantées qui ne sont pas encore entrées en production, les arrachages devraient même être bien supérieurs à ce chiffre.
Certains producteurs ont pris ces recommandations en considération et globalement, la superficie du vignoble californien a régressé de 6 000 hectares en 2020. Ce ne sont pas uniquement les tendances du marché à long terme qui les poussent à arracher des vignes : le changement climatique en fait réfléchir plus d’un. Les catastrophes naturelles successives ont créé des conditions de travail extrêmement coûteuses et compliquées, entraînant entre autres, pertes de récolte, coupures d’eau et primes d’assurance devenues inaccessibles. Les problèmes de sécheresse ont non seulement mis à mal la nappe phréatique, ils engendrent des orages secs qui déclenchent des feux de forêt particulièrement dévastateurs. De plus, phénomène nouveau en 2021, la sécheresse a conduit à un niveau d’humidité dans le sol historiquement bas, expliquant ainsi la faible récolte. Avec une fonte des neiges plus faible que par le passé, les bassins de retenue d’eau étaient remplis à seulement 37 % de leur capacité en décembre 2021.
« Auparavant, lors des années de sécheresse, lorsque les niveaux d’humidité dans le sol étaient faibles, les producteurs avaient la possibilité d’irriguer et d’atteindre les rendements maximums », note Rob McMillan. « Mais il faudrait des précipitations anormalement élevées en 2022 pour que les réservoirs en Californie retrouvent des taux de remplissage corrects ». Face à cette situation, un tiers des viticulteurs prévoient d’utiliser de nouvelles technologies en 2022 pour réduire leur consommation d’eau, selon le sondage réalisé par la SVB. D’autres encore ont l’intention de modifier la structure du couvert végétal, de réaliser des forages, de faire évoluer leurs pratiques culturales pour réduire les rendements, de faire venir de l’eau par camion, et de conduire des essais ou de replanter des vignobles avec des vignes résistantes à la sécheresse. Toujours est-il que 27% des professionnels interrogés n’envisagent aucune stratégie pour faire face à la sécheresse en 2022…