oins d’un an après sa condamnation pour dénigrement et « préjudice moral d’atteinte à l’image des vins du Bordelais », Valérie Murat, la porte-parole de l’association Alerte Aux Toxiques (AAT) ne baisse pas les armes et continue de dénoncer « un procès bâillon intenté contre nous, l’association et sa porte-parole, par le puissant lobby de la viticulture […] qui vise explicitement à stopper le débat public sur l’utilisation massive des pesticides dans le vignoble de Bordeaux. Alors que justement, nombre de châteaux bordelais essaient de verdir leur image avec ce label Haute Valeur Environnementale (HVE) », comme elle déclare lors d’une conférence de presse ce 21 janvier à Paris. Rappelant que la justice lui interdit de présenter son dossier de presse « analyses de résidus pesticides dans les vins, les résultats : la HVE encore gourmande en pesticides ! » du 15 septembre 2020 (avec 19 vins bordelais sur 22 cuvées dont les résidus phytos ont été analysés) Valérie Murat estime qu’« aujourd’hui, il nous semble urgent que le plus grand nombre soit informé des pratiques honteuses qui sont utilisées dans le bordelais pour faire perdurer l’omerta et permettre au lobby de la bourgeoisie viticole de continuer de masquer la réalité de ses pratiques professionnels, à travers un procès bâillon qui est une menace à la liberté d’informer et au droit à la critique au pays de Voltaire et Charlie. »
Une vision du dossier judiciaire qui exaspère toujours dans la filière bordelaise. « Ce qui est condamné, c’est la façon de dire les choses : "boire du vin de Bordeaux, tu risques ta vie", "les vins de Bordeaux contiennent des poisons"… C’est ça qui a été condamné, le fait de dire les choses en dénigrant l’ensemble de la filière » indiquait ainsi fin 2021 Fabien Bova, le directeur du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (le CIVB, comptant parmi les 26 plaignants), qui regrette que la presse retienne « une condamnation parce que l’on a publié des résultats, ce qui est faux, et le combat HVE/bio, alors que ce n’est pas ce qui a été porté devant le juge. [Le dénigrement,] ce n’est pas de publier des résultats. Le sujet, c’est ce que l’on en a tiré. Avec des hashtags épouvantables qui jettent l’opprobre sur le vin de Bordeaux. C’est ce qui est interdit, il n’est pas interdit de dire ce que l’on pense, de critiquer la HVE… »


Maintenant le débat sur l’utilisation de phytos dans la démarche HVE et sur le retard des vins de Bordeaux en matière de transition agroécologique, Valérie Murat est entourée de soutiens associatifs et politiques allant dans son sens ce 21 janvier. « Le label HVE autorise des pesticides, le label HVE est mortifère » s’exclame Annick Le Mentec Référente Morbihan Collectif des victimes des pesticides de l'Ouest. Directeur de recherche au CNRS spécialiste des SDHIS, Pierre Rustin alerte sur les dangers « des traces de pesticides et des petites quantités qu’on trouve dans l’alimentation, les boissons et l’environnement » par effets additifs, synergiques et cocktail.
Estimant « qu’avec cette labellisation HVE, il n’y aucune restriction d’utilisation des pesticides, y compris les plus dangereux : Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques (CMR), perturbateurs endocriniens et SDHI sont autorisés », l’eurodéputé écologiste Benoît Biteau dénonce l’« utilisation de produits extrêmement toxiques sur cette prestigieuse appellation de Bordeaux. On peut appeler ça du dénigrement, sauf que ça n’en est pas : c’est juste de l’information et de la transparence. » Présidente du groupe parlementaire La France Insoumise à l’Assemblée Nationale, Mathilde Panot appelle « ne pas laisser un lobby faire en sorte que cette alerte ne soit pas entendue. On va se battre contre l’arnaque qu’est HVE. On va se battre sur la question de la cagnotte. »
Appelant aux dons pour régler les 125 000 euros de dommages et intérêts arrêtés en première instance et exigés par la première chambre civile de la cour d’appel de Bordeaux pour déposer appel, Valérie Murat et l’association Alerte Aux Toxiques ont actuellement réuni 70 000 € en ligne. « C’est encourageant de voir qu’il y a autant de gens de la société civile qui se mobilisent financièrement pour nous soutenir » déclare Valérie Murat, pour qui sont principal regret est qu’alors que « Bordeaux est une AOC mondialement connue, il est très regrettable qu’elle ne soit pas la locomotive pour toutes les autres appellations et qu’elle soit au contraire le mauvais élève ».
A noter que ce 23 janvier, Valérie Murat reçoit un prix de l'éthique par l'association anticorruption Anticor en tant que "lanceuse d'alerte pour avoir signalé la présence de pesticides dans des vins HVE, et qui a été condamnée par le tribunal de commerce à payer 125 000 €".