La stratégie d’aujourd’hui, c’est donc quatre grands crus classés, j’ai par conséquent des vignobles en Languedoc, en Roussillon et en Côtes-du-Rhône et autres, qui vont être les remplaçants des vins de Bordeaux. Parce que Bordeaux souffre, qu’on le veuille ou non. Le Bordeaux bashing, ce n’est pas des chansons, c’est la vérité. Bordeaux n’a pas renouvelé sa gamme et les gens aiment l’innovation. Pourquoi ? Tout simplement parce que consciemment ou inconsciemment, on aime avoir des émotions. »
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« Les amateurs de vins aiment découvrir des nouveaux produits. Je le vois avec mes collaborateurs dans le monde qui envoient au groupe tous les lundis leur rapport, qu’est-ce qu’on entend dire par les Chinois ou les Brésiliens : Bordeaux, ça n’a pas bougé. Bordeaux c’est le premier vin, le deuxième vin, Bordeaux c’est des marques qui n’avancent pas. Tandis que l’on a mille concurrents qui sont très costauds au niveau qualitatif, au niveau de prix, donc au niveau célébrité. Parce que les gens ne boivent pas deux fois. Quand ils achètent une bouteille, ils n’achètent pas une bouteille de Bordeaux et une bouteille du Chili, ou d’Argentine ou du Côtes-du-Rhône. Une entreprise, c’est cette main qui de consommatrice qui va prendre une bouteille et la mettre dans son caddie ou son panier. Et les bouteilles qui restent derrière ou à côté c’est un mauvais avenir pour l’entreprise en question. Il y a ça et un manque certain de dynamisme à Bordeaux. Parce qu’il y a un certain nombre d’entreprises dans la viticulture où c’est la troisième/quatrième génération et que les gens sont usés, ils n’ont plus envie. Ils vivent sur un passé, ils ne rendent même pas compte qu’ils périclitent. C’est mon avis, je ne dis pas que j’ai raison, c’est mon avis. C’est pour ça que nous travaillons ailleurs, dans d’autres pays et d’autres appellations comme les Côtes du Rhône. Grâce à la syrah qui donne cette émotion que recherche le consommateur. La Provence grâce à ce rosé pâle, que ne sait pas faire Bordeaux, qui laisse supposer au consommateur que le degré alcool est peu élevé et qu’il va bien passer parce qu’il n’y a pas de tannins. Aujourd’hui vous avez le blanc et le rosé qui montent et le rouge qui baisse. »
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« Dans le monde entier, 75 % des rosés sont achetés par la forme de la bouteille, en adéquation avec l’étiquette. Le problème, c’est que dans le monde entier, le rosé vous pouvez mettre la bouteille que vous voulez. Mais à Bordeaux, c’est la bouteille de Bordeaux. Donc, on tombe dans la tradition. »
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« C’est un manque de créativité, on pourrait en parler une heure si vous voulez. Mais je ne dis pas que j’ai raison, je constate. Parce que les gens n’ont pas assez faim. Peut-être que je me trompe, il y a un côté un peu génétique. Bordeaux ce n’est pas Lyon. Lyon est en compétition avec Saint-Etienne, avec l’Italie, avec la Suisse. Bordeaux, à l’Ouest il y a l’eau, au Sud il y a deux pays qui ont eu une histoire magnifique sur le plan économique (l’Espagne et le Portugal), au Nord et à l’Est il y a des départements qui sont ce qu’ils sont (j’ai connu Toulouse il y a trente ou quarante ans, c’est Airbus et tout le bordel qui a fait l’image Toulouse). Les gens s’y sont un peu ramollis, sans le savoir. Il y un bien-être. Ici en trois quarts d’heure vous arrivez à la plage. Tout ça, ça compte. Quand dans la vie vous êtes trop entouré, trop dans le velours si l’on peut dire, c’est différent que si c’est quelque chose qui vous gratte la peau et qui oblige à travailler pour l’enlever. »