L’installation d’une irrigation enterrée dans l’inter-rang d’une vigne adulte n’impacte pas le comportement hydrique de la vigne ou les objectifs de production dès les premières années de mise en place » résume Paul Katgerman, de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), ce 30 novembre, lors de la conférence Vignoble Innovant et Écoresponsable (VIE) de l’Association nationale interprofessionnelle des vins de France (Anivin de France). L’ingénieur agronome présente les premiers résultats de deux ans d’essai à Béziers, en 2020 et 2021, avec la comparaison de trois modalités : un témoin non irrigué, un goutte-à-goutte aérien classique et un goutte-à-goutte enterré à 40 centimètres de profondeur dans le sol*, dans l’inter-rang d’une parcelle de viognier plantée en 1996 dans un sol limono argilo (réserve utile de 120 mm/m).
Enterrées dans le sol à différentes profondeurs sous et autour de la vigne, des sondes capacitives permettent de mesurer l’eau provenant d’une irrigation. Si l’irrigation aérienne cause « une colonne d’eau sous le goutteur sur un rayon de 30 cm », avec le goutte-à-goutte enterré c’est « tout l’interrang qui est irrigué » indique Paul Katgerman, ajoutant qu’il n’y a pas de différence significative pour les rendements des modalités d’irrigation suspendues et enterrées (mais il y a bien une différence pour le témoin non irrigué, comme les millésimes étudiés étaient très chauds). Au final, « un réseau d’irrigation en goutte-à-goutte enterré permet une percolation du bulbe plus importante dans le sol, comparée à un système de goutte-à-goutte aérien » analyse Paul Katgerman.
Parmi les bons côtés de l’irrigation enterrée, l’ingénieur agronome note non seulement d’« étendre le volume racinaire de la vigne en inter-rang », mais aussi le moindre besoin de maintenance à réaliser, comme les tuyaux sont à l’abri (notamment des dégâts de gibiers et chasseurs), ainsi que de pouvoir mécaniser le cavaillon pour gérer l’enherbement (ce qui répond à la volonté de mécanisation des VIE). Paul Katgerman note cependant comme points critiques l’importance de la filtration de l’eau, ainsi que du bon entretien du réseau (pour éviter les colmatages). Sans oublier d’utiliser des goutteurs adaptés (qui ne sont pas les mêmes que ceux aériens).
Si le chercheur de l’IFV fait état de coûts supérieurs de 20 % pour l’enterrement du goutte-à-goutte par rapport à l’aérien, il précise ne pas avoir fait de calculs de retour sur investissement. En termes de durée de vie, « on a l’exemple de viticulteurs audois pratiquant [l’irrigation enterrée] depuis 20-25 ans » rapporte Éric Serrano, le directeur sur le Sud-Ouest de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV). « L’expérience que l’on a avec d’autres domaines, c’est que cela peut permettre de maintenir un couvert végétal au sol, sans pour autant irriguer la plante, ce qui est intéressant par rapport à une mutation des herbicides et la portance des tracteurs » ajoute le chercheur, précisant que lors de l’arrachage des parcelles, « on peut réenrouler les tuyaux par l’enroulage sans les détruire à l’arrachage ».
* : L’installation se fait par « ouverture des tranchées et mise en place des peignes, montage de la station d’alimentation et son raccordement aux peignes, installation des rampes de goutte-à-goutte et leur raccordement aux peignes » indique Paul Katgerman.