oscalid, folpel, glyphosate… 50 résidus de pesticides recherchés pour 50 nuances de grise-mine viticole. Impossible pour la filière vin de rester impassible face à l’annonce de PestiRiv, l’étude d’exposition à 50 matières actives des riverains voisins de parcelles viticoles réalisée par l’ANSES et Santé Publique France. Lancés cette fin d’année, les prélèvements vont se tenir dans un cadre méthodologique qui inquiète déjà les représentants viticoles. Notamment le focus sur le vignoble bordelais (qui représenterait le tiers des observations selon l’ANSES), mais aussi des interrogations sur des parti-pris méthodologiques (non levées selon le vignoble) et surtout une inquiétude sur les modalités de publications en 2024 de ces résultats scientifiques (qui sont inédits). L’enjeu étant pour le vignoble d’éviter une nouvelle séquence médiatique hautement polémique.
Sans avoir à remonter aux épisodes de Cash Investigation, la filière a de quoi être échaudée par le traitement médiatique de la lettre du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux à la préfecture de Nouvelle-Aquitaine. Les inquiétudes sur le calendrier et la méthodologie ont moins été mises en avant que la possibilité de ne pas collaborer à la collecte des informations de traitements phytos des parcelles voisines des participants. Adoptant une position attentiste de participation sous condition, le vignoble national conduit les agences sanitaires à préciser le protocole retenu et annoncer leur soutien à une communication purement scientifique. Pas question d’être naïf pour autant : les viticulteurs savent qu’ils prendront de nouveaux coups en 2024 quand paraîtront les résultats. Qu’elle regarde passer le train de PestiRiv ou qu’elle monte dans un wagon, la filière vin sait qu’à l’arrivée en gare les résultats de PestiRiv seront exploités à son détriment par toutes les associations et politiques antiphytos, qui ne chercheront que des confirmations à leurs visions et accusations d’un vignoble conventionnel, polluant et dangereux pour la santé (ce qui n’est pas le cadre de l’étude PestiRiv, qui est d’exposition et non d’effets sanitaires).
Cette crainte d’être perdant d’avance est justifiée. Dès qu’il y aura un résidu détecté, il y aura une polémique. Des vignobles seront donc inévitablement visés et touchés, mais il tient aussi à eux de ne pas être coulés. L’enjeu est de reprendre l’initiative dans un esprit et des actions de transparence et d’ouverture. Participer à PestiRiv est incontournable si le cadre y est scientifiquement étayé et politiquement apaisé. Les opérateurs du vignoble doivent surtout anticiper positivement, et non défensivement, une stratégie de communication et de valorisation de toutes les actions prises pour protéger l’environnement. Où ils sont les premiers exposés avec leurs familles et salariés, s’il est besoin de le rappeler.
Cap sur 2024 pour accélérer la transition agroécologique actuelle ! Et les initiatives ne manquent pas, des nombreux engagements pris par des appellations (plus de désherbage chimique pour Pomerol) et des interprofessions (bilan carbone en Provence). Sans oublier le mouvement de fond des conversions à la bio et des autres certifications environnementales concrétisant les engagements de bonnes pratiques culturales et sociétales. Avant même PestiRiv, des chiffres témoignent de l’évolution rapide des pratiques viticoles : la chute libre des ventes de phytos classés CMR (Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques). Le vignoble va ainsi plus loin que son cadre réglementaire actuel. Ce dernier étant pourtant contraignant et allant rétrécissant. Est-il besoin de rappeler que ces produits phytopharmaceutiques bénéficient d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) délivrée sous le contrôle et la responsabilité de l’administration sanitaire ? Soit l’ANSES, veillant à ce que l’usage des pesticides ne mette pas en danger l’utilisateur et la population.
Qui a d’ailleurs dit que le vignoble devait être la cible des résultats de PestiRiv s’il s’avère que l’ANSES n’a pas protégé les populations viticoles ?