Le désherbage chimique est interdit. La maîtrise de l’enherbement des parcelles est réalisée uniquement par des moyens mécaniques ou physiques » pose sobrement le nouveau cahier des charges de l’appellation Pomerol, homologué par l’arrêté publié ce 20 octobre. « En 2008, Pomerol a intégré dans son cahier des charges l’interdiction de désherbage total, comme obligation minimale. On va garder ce temps d’avance avec cette interdiction de toute forme de désherbage » explique Jean-Marie Garde, le président de l’appellation, soulignant que « sur Pomerol, quasiment tout le monde laboure ou enherbe. On est mûrs, c’est une volonté collective. » Tout en reconnaissant que cette interdiction a un coût, qui est absorbable par une AOC prestigieuse et valorisée, mais plus difficile pour d'autres vignobles : « nous devons être moteur ».
En France, « c’est la première AOC à s’interdire totalement le désherbage chimique* » souligne Laurent Fidèle, le délégué territorial pour la Nouvelle Aquitaine de l’Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO), qui note un projet similaire envisagé en Corse (pour l’appellation Patrimonio) et en Provence (AOC des Baux de Provence). En matière de plan de contrôle, cela se traduira par une vérification visuelle des parcelles et un contrôle documentaire des registres précise Laurent Fidèle. Le cahier des charges de Pomerol intègre également des mesures agroenvironnementales plus classiques, comme l’évacuation des pieds morts et le calcul des Indices de Fréquence de Traitement (IFT), qui se multiplient dans le bordelais (voir encadré).
« Nous étions en avance, nous le restons. Quitte à ouvrir cahier des charges, autant intégrer d’autres éléments… » indique Jean-Marie Garde, notant l’introduction d’une mesure de demande de recours à l’irrigation en cas de forte sécheresse pour répondre au changement climatique. « Il ne s’agit pas d’ouvrir les vannes, mais de réfléchir à de nouveaux outils contrôlés, dans le respect de l’esprit des AOC. Il ne s’agit pas d’irriguer pour la production, mais pour le matériel végétal en cas de besoin » souligne le vigneron qui préside également la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB).
En termes d’innovation et d’adaptation au changement climatique, l’AOC Pomerol envisage également de comparer des méthodes d’entretien du sol, notamment des paillages biodégradables, afin de tester les effets hydriques et thermiques. Devant encore être présenté, et validé, par le comité régional de l’INAO, cette expérimentation reposerait sur deux matières biodégradables (de la paille et un tissu en fibre végétale de jute et de chanvre). « Je crois que dans cette période d’évolution climatique il faut tout essayer » conclut Jean-Marie Garde.
* : Suite à la parution de cet article, l'appellation Pouilly Fuissé indique ce 22 octobre être la première AOC sur le sujet, son cahier des charges, homologué en novembre 2020, interdisant tout « désherbage par des produits chimiques à l'exception des produits de biocontrôle homologués par les pouvoirs publics en viticulture [...] dans les parcelles produisant des vins susceptibles de bénéficier de la mention "premier cru" ». Si l'appellation de Bourgogne est bien innovante, elle limite cependant cette interdiction aux premiers crus et aux herbicides non-biocontrôle, quand Pomerol s'interdit tout produit sur toute son aire.
Définies par le comité national de l’INAO, les Dispositions AgroEcologiques types (DAE) vont de l’enherbement obligatoire des tournières à l’interdiction du désherbage en plein, en passant par l’interdiction des modifications substantielles de la morphologie originelle des sols, l’interdiction du paillage en plastique… « Il y a un fort engagement des Organismes de Défense et de Gestion (ODG) de Gironde dans les dispositifs de mesures agroenvironnementales » souligne Laurent Fidèle, citant les AOC ayant déjà adopté ces mesures (Bordeaux, Bordeaux Supérieur, Cérons et Pessac-Léognan), ainsi que celles étudiant leur intégration (Barsac, Blaye, Côtes Bordeaux, Côtes de Bourg, Entre-deux-Mers, Graves de Vayres, Margaux, Médoc, Pessac-Léognan…).
« Il y a une vraie volonté, la mobilisation est nette : on vit un tournant majeur. Il n’est plus question d’objectifs, chacun les partage. Il n’est plus question que de mise en œuvre et d’inscription au cahier des charges » analyse Laurent Fidèle, ajoutant que les appellations bordelaises travaillent également sur l’introduction d’obligations de certification environnementales (au minimum de niveau 2, HVE ou AB). « Aujourd’hui, dans le sillage de la demande portée par Saint-Émilion, qui a ouvert la voie en 2017, nous avons des projets en Côtes de Bourg, Entre-deux-Mers, Médoc, Haut-Médoc et Listrac… le mouvement est enclenché » conclut le délégué territorial de l’INAO.