En 2050, selon le scénario du GIEC, notre climat sera celui de Montpellier il y a 30 ans » introduit Arnaud Descotes, directeur technique du comité Champagne, lors de la journée technique des œnologues de Champagne. C’est ce 15 octobre sur le salon des vins effervescents VITeff que la profession champenoise s’est réunie pour échanger sur le changement climatique et son impact sur les vins de champagne. Sans se montrer alarmiste, Arnaud Descotes invite les vignerons champenois à d’ores et déjà réfléchir et à raisonner leur travail. « D’ici 2050, il n’y a pas de grosses inquiétudes à avoir quant à la qualité de nos vins avec nos cépages et nos modes de culture actuels. La grande inconnue est plutôt entre 2050 et 2100. Il faut se préparer au pire, et déjà y travailler ensemble » poursuit le directeur.
A court terme, Arnaud Descotes évoque l’entretien des sols et la variabilité des cépages. A moyen et long terme, « des nouveaux portes greffes, des nouveaux cépages et les vignes semi-larges, qui permettraient d’augmenter l’acidité des vins. La surface foliaire serait diminuée de 20 %, mais il y aurait moins d’évapotranspiration, donc moins besoin d’eau pour la vigne si un jour nous devons irriguer » détaille Arnaud Descotes.
En 30 ans, le comité champagne a enregistré une augmentation du degré alcoolique moyen des vins de 0,8 %, passant de 9,5 % vol à 10,3 %vol, une baisse de l’acidité totale de 1,5 g/L et des dates de vendange avancées d’environ 20 jours. « Tout cela impacte les équilibres des vins, notamment sur les stabilités tartriques et protéiques, mais influe sur la finesse et le potentiel de garde » énumère Nicolas Follet, vigneron champenois et œnologue-conseil d’Oenosense Consulting. Force de vinifications de vins effervescents à l’étranger dans des climats chauds comme en Argentine, Nicolas Follet alerte ses clients sur les risques d’altération du raisin, récolté à plus haute température que d’habitude, d’oxydation rapide des moûts et de débourbages plus complexes. « De nombreuses techniques existent aujourd’hui sur moûts, comme la bioprotection, mais aussi sur vins, comme la désalcoolisation. Il ne faut pas en avoir peur. Sur des essais de désalcoolisation en Argentine, j’ai obtenu une réduction de 0,6 % sans perte qualitative » explique Nicolas Follet.
Un intérêt pour les expériences de vinification plus "sudistes" des œnologues de Champagne, notamment marqué par l’interventions de Daniel Granès, directeur scientifique de l’Institut Coopératif du Vin (ICV). « Il faut connaitre sa matrice et bien analyser ses paramètres pour comprendre son évolution. Cela peut permettre d'utiliser de nouvelles levures, bactéries ou autres microorganismes d'intérêts qui ajusteront un de ses paramètres, comme l'acidité par exemple » pose le directeur scientifique. « J’insiste sur le pilotage de la fermentation, et surtout sa première moitié. C’est très important, notamment sur l’apport en nutriments azotés et en oxygène. Cela peut sembler basique mais je pense que ce sont des points sur lesquelles il va falloir être vigilant sur vos vins » constate Daniel Granès. Des nouveaux leviers à tester dès que possible.