e paradoxe est d’autant plus agaçant qu’il est frustrant. « On peut faire la plus belle taille du monde sur une jeune parcelle et avoir 10 à 15 % de ceps touchés par les maladies du bois au bout de 10 à 15 ans » rapporte le formateur Massimo Giudici (maître-tailleur Simonit & Sirch). Travaillant sur tous les vignobles français, l’expert italien note la généralisation des pratiques de taille respectueuse des flux de sève, mais relève que des opérations réalisées trop hâtivement peuvent saboter tous ces efforts (voir diaporama ci-dessous).
Dans le Médoc, des clients du formateur l’ont ainsi interpelé sur le dépérissement d’une jeune parcelle pourtant taillée en guyot selon les principes enseignés (gestion des chicots et de la couronne notamment). « Nous avons coupés les pieds touchés pour analyser les flux de sève : la partie aérienne était blanche et fonctionnelle, celle du tronc était nécrosée avec de l’amadou » se rappelle Massimo Giudici. Face à ce constat, le diagnostic conclut rapidement à l’entrée de l’esca dans les plaies ouvertes par le passage d’interceps et de décavaillonneuse à la base des pieds. La solution est alors d’améliorer les réglages des outils de travaux du sol par les machinistes et tractoristes. « Il n’y a pas de remise en cause individuelle, mais un travail collectif d’amélioration » souligne Massimo Giudici.


Défendant une vision complexe du matériel végétal, le maître-tailleur note que la simplification des pratiques culturales répond souvent à des enjeux d’urgence et de réduction des coûts. Du moins une réduction des coûts à court-terme, le dépérissement causant des pertes de rendements et des besoins d’investissements contre-productifs. S’il est trop tardif ou trop brutal, « un mauvais épamprage, c’est comme une taille mutilante » note Massimo Giudici, qui conseille également un traitement soigneux des rejets de porte-greffes : « avant, les vignerons creusaient autour du cep et couper nettement la racine. Maintenant, cela se fait avec une pioche qui racle pied et cause des blessures monstrueuses. »
Autre point de vigilance pour le formateur : le test des plants livrés par le pépiniériste. « Généralement, personne n’en vérifie la solidité » regrette Massimo Giudici, pour qui il faut tester la réussite du point de greffage en exerçant une petite pression avec le pouce (qu’il s’agisse de greffes oméga, double fente, fente anglaise…). Faute de réaliser ce tri, des parcelles voient de jeunes vignes ne pas pousser et être rongées par l’esca au niveau du porte-greffe. Préconisant une meilleure synergie avec les pépiniéristes, l’expert conseille d’anticiper la course du chantier de plantation avec les prestataires en demandant une livraison des plants deux jours auparavant. De quoi permettre l’acclimatation des plants (hors des chambres froides) et trier tout ou partie des lots
Si elle ne cause pas de maladies du bois, la taille des racines des plants doit être réduite pour réussir sa plantation estime Massimo Giudici. Dans le débat entre racines longues et courtes, le tailleur prend le deuxième parti, suite à l’observation de systèmes racinaires défectueux suite à l’enfoncement de plants à racines longues ayant plié ces dernières vers le haut. Préconisant des racines courtes de 3 cm, le formateur conseille d’enfoncer les plants à la machine et de les retirer légèrement pour permettre d’allonger leurs racines et pas les tasser.
Autre point de vigilance : le suivi des complants. « Il faut les désherber, fertiliser, irriguer, épamprer et les attacher comme des bébés à la crèche sur leurs quatre à cinq premières années. On ne peut pas se contenter comme actuellement d’attendre de voir à la taille si ça n’a pas pris pour arracher et replanter à nouveau » indique Massimo Giudici, soulignant qu’il ne critique pas, mais donne des pistes de réflexion. Et d’amélioration.