Soulagement dans les campagnes suisses après une véritable bataille engagée pour que le ‘non’ l’emporte. « Cela aurait été très compliqué pour le vignoble de se passer de pesticides de synthèse », reconnaît Pierre-Antoine Hériter, président de la Fédération valaisanne des vignerons, qui représente 5 000 des 15 000 hectares de vignes cultivées en Suisse. « La grosse problématique chez nous, ce sont les herbicides. Nous avons des vignes très pentues, en terrasses, qui sont très difficiles à travailler mécaniquement ». Évoquant une charge de travail encore plus importante et des coûts de production déjà élevés, il soulève aussi le problème du manque de débouchés pour les vins biologiques.
« Certes il y a un engouement actuel pour le bio, mais il faut que cela se traduise dans les ventes. Certaines filières agricoles, comme les viandes, connaissent déjà une surproduction en bio. Si on fait la transition trop rapidement, les marchés ne suivront pas et il se passera la même chose qu’avec les vins rouges excédentaires. Il va de soi que si on nous achetait 50 % de nos vins en bio, cela inciterait les producteurs à faire la transition » indique Pierre-Antoine Hériter. Et d’expliquer que les vignerons n’ont pas attendu ce vote pour évoluer vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement : « en Valais, on a éradiqué le ver de la grappe depuis dix ans et on ne traite plus. La totalité de notre vignoble est en confusion sexuelle et nous n’utilisons plus d’acaricides ».
Depuis les années 1990, la Politique Agricole suisse émet des directives dont beaucoup d’axes sont orientés en faveur de l’écologie. « Nous avons déjà un système de contreparties : si on fournit des prestations écologiques comme l’enherbement des vignes avec une biodiversité accrue, on touche davantage d’argent pour notre travail. Il en est de même pour la réduction de l’azote et du cuivre. Le problème, c’est que les obligations sont toujours plus contraignantes, jusqu’à ce vote extrême ».
Son avis est partagé par Frédéric Borloz, président de la Fédération suisse des vignerons : « Le résultat du vote est tout à fait compréhensible pour moi, dans la mesure où nous avons de nombreux programmes qui visent à diminuer l’utilisation des pesticides de toute sorte, année après année, initiés soit par les associations de professionnels soit par le gouvernement suisse. A telle enseigne que pendant les dix dernières années, nous avons réduit l’utilisation de produits de synthèse de 30 % dans les vignobles. Nous avons maintenant un programme qui vise à diminuer encore de 50 % l’utilisation de ces produits durant les 5 prochaines années. La viticulture est raisonnée sur la quasi-totalité du territoire et nous allons continuer à avancer vers des pratiques toujours plus saines ».


Plus encore que les exigences accrues de certains citoyens en matière environnementale, cette initiative témoigne, selon les dires du président Parmelin, par ailleurs viticulteur lui-même, d’un « fossé qui s’est installé entre les grandes villes et les campagnes et qu’il faut combler ». Son avis est partagé par le président des vignerons valaisans : « Nous ne sommes pas des communicants. Le monde agricole a dû faire un travail énorme pour convaincre les électeurs et expliquer tout le travail déjà accompli. Certes, il y a encore beaucoup à faire, mais les systèmes sont déjà en place ».