Le Royaume-Uni quitte l’Union Européenne avec un accord dont la filière des vins et spiritueux peut se féliciter ! Tous ceux concernés par le Brexit peuvent être rassurés : leur monde ne va pas s’écrouler après le 31 décembre » s’exclame l’eurodéputée Irène Tolleret, qui préside l’intergroupe vin du Parlement Européen. A huit jours de la fin de la période de transition de 11 mois*, la signature d’un accord commercial entre le gouvernement britannique et la Commission Européenne ce 24 décembre est un vrai soulagement pour la filière des vin français. Dont les opérateurs s’inquiétaient vivement d’une navigation à vue pour son deuxième marché export (voir encadré).
« Un accord, c’est la meilleure des choses pour le commerce. C’est dans l’intérêt des deux parties » confie Eric Tesson, le directeur de la Confédération Nationale des Vins et Eaux-de-vie AOC (CNAOC), rappelant que la protection des appellations d’origine est un acquis de l’accord de sortie. « Depuis 10 mois de négociations, on n’osait pas espérer que cela pourrait aboutir » souffle Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants, soulagé par le terme mis à cette arlésienne attendue depuis 2016. « L’annonce de ce jour est accueillie avec soulagement par le secteur britannique. Nous avons hâte d’en connaître le détail et de le voir rapidement ratifié » renchérit Miles Beale, le directeur de l’Association Britannique du Commerce de Vins et Spiritueux (WSTA), saluant la levée des menaces de taxation des vins alors que les opérateurs sont déjà touchés par la pandémie de Covid-19.


« De ce qui a été dit, l’accord couvrira un libre-échange, sans tarifs douaniers ni quotas » résume Ignacio Sánchez Recarte, le sécrétaire général du Comité Européen des Entreprises Vins (CEEV), qui souligne que « les droits de douanes inquiétaient [la filière vin], principalement pour les vins effervescents. Mais les procédures douanières constituent l’autre problème identifié : papiers administratifs, procédures et les fameux certificats VI-1 qui représentent une augmentation des coûts de mise en marché en Grande Bretagne, principalement pour les petites entreprises (qui ne sont pas habituées à ces procédures). »
Dès le premier janvier 2021, les exportateurs de vins français vers le marché britannique devront appliquer de nouvelles formalités douanières (selon le principe de « frontière intelligente »). Si les douanes françaises ont communiqué sur le sujet auprès des opérateurs, le vignoble craint toujours des lourdeurs administratives et réglementaires. « Nous craignons que ce qui se fait aujourd’hui de manière fluide ne le soit plus demain. Nous ne voulons pas être pénalisés dans nos échanges avec nos distributeurs et importateurs » souligne Jean-Marie Fabre, s’inquiétant du positionnement depuis 2018 de vignobles concurrents sur des accords commerciaux simplificateurs (Afrique du Sud, Argentine, Australie, Chili…).


« Le Royaume-Uni met en place des normes qui peuvent avoir un impact. Comme l’analyse de l’acide citrique qui a un coût notable (une cinquantaine d’euros) et qui n’est pas amorti de la même manière entre l’envoi de palettes et de quelques cartons » souligne Irène Tolleret. « A long terme, il sera fondamental pour les vins européens que la Grande-Bretagne continue de reconnaître les règlements européens ou de l'Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) sur le vin » note Ignacio Sánchez Recarte. Outre-Manche, « les entreprises attendent toujours que le gouvernement prennent les rênes et confirme certains détails afin de permettre les échanges commerciaux avec l’Irlande et le reste de l’Union Européenne l’an prochain » alerte pour sa part Miles Beale.
L’accord de Brexit doit plus globalement être étudié en janvier 2021 par le Conseil Européen et le Parlement Européen. L'inter-groupe d'eurodéputés étudiera également le texte fin janvier, pour suivre la mise en application de cet accord. En attendant, « nous avons un accord et c'est une sécurité face aux questions infernales qui se posaient (notamment d'étiquetage). Chacun peut passer un bon noël » conclut fort à propose Irène Tolleret.
* : Le Royaume-Uni a quitté l’Union Européenne le premier février 2020.
De janvier à septembre 2020, le Royaume-Uni est le deuxième marché en volume et en valeur des vins français, avec 1,26 million d’hectolitres pour 755 millions d’euros de chiffre d’affaires (respectivement +2,6 et -16 % par rapport aux neufs premiers mois de 2019).
Dans une lettre ouverte plaidant pour le retrait des documents d’importations EU-VI 1, James Miles, le PDG de la place de marché des vins fins LiV-Ex, indique que le Royaume-Uni est le dixième pays exportateur de vin dans le monde grâce à son réseau de réexportation. Le marché britannique accueille 5 000 marchands de vin et crée 130 000 emplois.