’après le bilan dressé par les coopératives agroalimentaires espagnoles, la récolte 2020 devrait atteindre 43-44 millions d’hectolitres, même si la météorologie des semaines à venir restera déterminante. Les précipitations en début de saison ainsi que l’absence de gelées laissent envisager une bonne récolte dans les vignobles espagnols cette année. Seules la Catalogne et l’Estrémadure et quelques autres régions productrices s’attendent à une diminution de la production par rapport à 2019, notamment en raison du mildiou et de quelques pics de température qui ont affecté les zones non irriguées. Globalement, après une récolte 2019 relativement faible, l’Espagne renoue donc avec la forte production de 2018.
Une nouvelle relativement surprenante, étant donné les mesures prises pour limiter la production cette année. En effet, la vendange en vert, l’instauration de rendements maximaux de 20 000 kg à l’hectare pour les blancs et de 18 000 kg pour les rouges, ainsi que la déclaration de la vendange à la parcelle et une teneur en alcool minimum de 9 % dans les raisins destinés à la vinification étaient censés restreindre le volume de vin entrant dans les caves. Dans la région de Castille-La Manche, où la production devrait atteindre 23 Mhl de vins et de moûts cette année, le gouvernement local se veut rassurant quant aux disponibilités pour la campagne 2020-2021. « Avec la mise en œuvre de mesures de marché telles que la vendange en vert, la distillation de crise et le stockage privé, 4,2 Mhl ont été retirés du marché, laissant à la région 10,8 Mhl en stock au 31 juillet, soit 2 Mhl de moins que l’année dernière », a annoncé le gouvernement régional la semaine dernière dans un communiqué.
Mais en dehors de ces nouvelles destinées à rassurer les marchés, le moral n’est pas au beau fixe au sein du secteur. Plusieurs organismes, dont l’interprofession espagnole du vin OIVE, montent au créneau pour demander au gouvernement d’appliquer de nouvelles mesures pour aider la filière à faire face à la crise du Covid-19. « Le secteur connaît une situation exceptionnelle et… si aucune nouvelle mesure n’est adoptée, il risque de s’effondrer », alerte l’OIVE. Celle-ci a décidé d’entamer une série de réunions avec les différents acteurs du secteur « afin d’analyser l’évolution de la récolte et le comportement du marché, de suivre l’évolution de la situation et de pouvoir proposer de nouvelles initiatives de reconstruction ».
Du côté de l’offre, l’organisme estime que les mesures déjà prises « ont été clairement insuffisantes… Dans les pays qui nous entourent, les mesures ont été dotées de fonds nationaux, ce qui laisse l’Espagne nettement désavantagée ». Il demande aux pouvoirs publics de développer « des campagnes promotionnelles ambitieuses, tant au niveau national qu’international, afin de rétablir la confiance des consommateurs, des touristes et des marchés envers notre pays ».
Par ailleurs, alors qu’un contrat type à caractère volontaire, officialisé dans le Journal Officiel début août, a été introduit pour tenter de rendre les transactions plus transparentes, les viticulteurs de Castille-La Manche déplorent une « pression sur les viticulteurs pour qu’ils acceptent des prix pour les raisins qui ne couvrent pas les coûts de production ». Cela, alors qu’une loi votée en début d’année prévoit expressément que le prix convenu entre le producteur et le premier acheteur doit couvrir le coût effectif de production.
La difficulté vient du fait « qu’il n’existe aucun document officiel établissant ces coûts de production », dénonce l’association des jeunes agriculteurs de la région, qui affirme que cela « permet aux deux grands groupes industriels opérant dans la région, Félix Solis et Garcia Carrion, de continuer à exercer leur position dominante… » Rappelons que ces deux groupes sont déjà dans le collimateur de la justice et sont soupçonnés de commercialiser des vins jeunes avec des mentions normalement réservées à des cuvées élevées en barriques dans la DO Valdepeñas.