0,5 millions d’euros. C’est la somme que l’Etat espagnol met sur la table pour financer les trois mesures clés du programme de soutien à la filière vitivinicole dans le contexte de crise provoqué par le Covid-19. La distillation de crise, l’aide au stockage privé et la vendange en vert doivent « atténuer les effets du Covid-19 » sur le secteur, sachant que les trois postes sont dotés de moyens très différents. La distillation de crise, qui doit permettre d’éliminer 2 millions d’hectolitres avec des quotas distincts pour les vins d’appellation d’origine (40 euros par hectolitre) et les autres vins (30 euros par hectolitre), va accaparer une très grosse part du budget, avec 65,5 millions d’euros alloués à cette mesure. L’aide au stockage privée sera, quant à elle, uniquement réservée aux vins ayant une appellation d’origine protégée ou une indication géographique qui, selon le ministère, « avec la reprise du marché, retrouveront leurs cours et leur rythme de vente ». L’aide, qui doit porter sur un volume de 2,25 Mhl, est dotée d’un budget de 15 millions d’euros pour un montant d’aide de 0,027 euro/hl et par jour de stockage, pour une période de 180 jours pour tous les vins, allant jusqu’à 270 ou 360 jours pour les vins rouges. Enfin, 10 millions d’euros sont prévus pour la vendange en vert, une possibilité qui représente, toujours selon le ministère, « une première » en Espagne. L’aide sera versée directement aux viticulteurs et les communautés autonomes désireuses de bénéficier de la mesure devaient se faire connaître avant le 14 juin ; ce délai passe au 23 juin pour les viticulteurs eux-mêmes.
Autant dire, des délais extrêmement serrés, ce que dénoncent déjà plusieurs organismes professionnels. Mais ce n’est pas la seule pomme de discorde entre l’Etat espagnol et la filière vitivinicole. Plusieurs syndicats ont regretté ce qu’ils jugent être la faible étendue de la vendange en vert, seule vraie mesure de soutien aux viticulteurs, estiment-ils. Ils déplorent également qu’à l’heure actuelle, le montant de l’aide ne soit pas connu, rendant difficile l’engagement des producteurs. Pour l’union des syndicats agricoles de Castille-la Manche la somme globale allouée à la mesure « suffira à peine à financer la vendange en vert sur environ 4 000 à 5 000 hectares au total ». L’union pointe plus globalement – et elle n’est pas la seule – « l’insuffisance » des moyens prévus pour soutenir la filière : « La France a mis sur la table un budget de près du double », s’insurge-t-elle, rappelant par ailleurs que « le ministère lui-même ne contribue en rien car le coût de ces mesures provient directement du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) ».
Enfin, l’obligation de respecter des mesures de régulation de marché – notamment la limitation des rendements à l’hectare pour la prochaine récolte – pour être éligible à ces aides, passe difficilement aussi. L’union des syndicats regrette que l’impact de cette mesure n’ait pas été mesuré « pour voir combien de viticulteurs elle touche, quel est l'impact sur le volume global de la production et si elle aura un effet réel sur l'amélioration des marchés. La mesure a été imposée sans se soucier de savoir si les dommages qui seront causés aux viticulteurs serviront ou non à quelque chose ». Enfin, l’union des petits agriculteurs UPA affirme de son côté que « le secteur a besoin d'un plan stratégique pour sortir correctement de la crise, car celle-ci ne sera pas résolue par ces trois mesures seules. Les prévisions actuelles d'une bonne récolte dans quelques mois renforcent les craintes des producteurs, qui redoutent que les prix à l'origine ne leur permettent pas d'obtenir une juste rémunération pour leurs raisins ».