Le principe vaut pour tous les secteurs : on s’imagine aisément qu’une proximité avec un produit conduit obligatoirement à des connaissances relativement approfondies. Mais comme le fait remarquer Luis Osorio, analyste auprès de Wine Intelligence, cette corrélation ne se confirme pas dans les faits. Prenant l’exemple de la province canadienne du Québec, forte de son héritage français, et de la région viticole brésilienne de Rio Grande do Sul, il explique : « Les professionnels… ont la nette impression que ces deux régions ont une culture du vin « forte » chacune dans son pays, par rapport aux consommateurs de vin situés dans d’autres régions de ces mêmes pays. Or,… les consommateurs réguliers de vin au Québec affichent en réalité les connaissances les plus faibles en matière de vin par rapport aux consommateurs réguliers de vin résidant dans chacune des principales provinces du Canada. A contrario, les buveurs de vin en Ontario enregistrent l'indice de connaissance du vin le plus élevé. De même, les buveurs de vin à São Paulo ont l'indice de connaissance du vin le plus élevé par rapport aux trois États du sud du Brésil que sont le Rio Grande do Sul, Paraná et Santa Catarina ».
Autre exemple cité : l’absence quasi-totale de bars à vins dans la capitale portugaise Lisbonne, malgré le fait que la consommation par habitant et par an au Portugal est la plus élevée au monde. Inversement, un établissement comme Terroir dans le quartier de Tribeca à New York attire des adeptes à toute heure, propose une offre internationale avec une spécialisation axée sur le riesling et le madère, entre autres, et anime régulièrement des séances de dégustation. Les deux exemples semblent contraires à la logique, mais comment s’expliquent-ils ?
« L'État de São Paulo et la province de l'Ontario ont peut-être quelque chose en commun qui pourrait impacter leur score en termes de connaissance du vin : leurs capitales sont toutes deux grandes, mais surtout, diversifiées et multiculturelles. Les métropoles de São Paulo et de Toronto, qui exercent un effet d’entraînement en matière de tendances, abritent une plus forte proportion d’habitants plus jeunes et plus aisés, souvent nés à l'étranger. C’est le cas aussi à New York et à Londres ». Ce serait donc ce mélange culturel et cette jeunesse au pouvoir d’achat relativement important qui favoriseraient la découverte des vins, et donc un niveau de connaissances plus important que dans des villes situées à l’intérieur de régions viticoles.
« Des villes comme Lisbonne, indépendamment du boom touristique de ces cinq dernières années, restent moins multiculturelles - et donc moins susceptibles d'attirer des communautés locales plus jeunes et plus aisées - qui ont peut-être déménagé pour aller vivre à Toronto ou à São Paulo ! » suggère Luis Osorio. En conclusion, l’analyste en déduit que les consommateurs situés dans des régions où le vin est plus enraciné dans la culture locale pourraient avoir davantage tendance à rester fidèle aux références qu’ils connaissent et seraient moins enclins à faire de nouvelles découvertes, et par conséquent, à développer leurs connaissances.