evant alléger les stocks déséquilibrés par la pandémie de coronavirus et soulager les cuveries saturées à la veille des vendanges, la distillation de crise française a reçu l’engagement de 3,48 millions hl de vins excédentaires, du 5 au 19 juin derniers. Ce 24 juin, il s'agit encore de données provisoires (voir encadré pour les dernières statistiques), des vérifications supplémentaires devant être menées précise Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vins de FranceAgriMer. Cet ordre de grandeur s'inscrit dans la lignée de ce qui était attendu par la filière (3 à 3,5 millions hl), ce qui est supérieur de 74 % au financement accordé par le gouvernement (calibré sur 2 millions hl). Déposés par des vignerons, caves coopératives et négociants, ces contrats proposent des aides de 58 €/hl pour les vins sans indications géographiques (vins de France) et de 78 €/hl pour les vins d’appellation d’origine et d’indication géographique protégé de vin (AOP et IGP).
Avec des volumes de 3,1 millions hl pour les AOP/IGP et 384 000 hl pour les vins de France, l’enveloppe allouée de 145 millions € serait donc dépassée de 119 millions €. Pour éviter que l’administration n’applique un stabilisateur réduisant de 45 % les volumes engagés, l'enjeu pour la filière vin est désormais de rallonger l’enveloppe des fonds manquants. Anticipée, cette nécessité d’augmenter les fonds fait l’objet d’une clause de revoyure acceptée fin mai par les ministres de l’Agriculture et de l’Economie. Le terrain pour ces négociations a été préparé dès ce vendredi 19 juin par un courrier du groupe d’études vigne et vin de l’Assemblée Nationale, alertant sur le dépassement alors constaté (de l'ordre de 45 millions €).
« Il reste à voir comment le gouvernement compte respecter cette clause de revoyure. Je suis assez confiante, il y a eu des engagements multiples. A trois reprises » rappelle la députée Marie-Christine Verdier-Jouclas, qui préside le groupe d’études vigne et vin de l’Assemblée Nationale. A négocier, cette demande de complément budgétaire est également à déterminer dans ses modalités. Elle pourrait notamment être mise en œuvre dans un deuxième temps, dans une autre campagne de distillation de crise. « Il va falloir obtenir en priorité que tous les volumes engagés soient sortis du marché pour répondre au besoin des entreprises. Ensuite il faudra voir techniquement comment pourront être distillés ces volumes. D’un coup ou en deux phases (avant puis après les vendanges) » souligne Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France (VIF). La perspective d’une coupure en deux temps ajoute de l’incertitude, mais pourrait répondre à des défis industriels de distillation.


Des négociations ouvrent une nouvelle phase d’attente pour les producteurs et négociants ayant déposé un contrat, ainsi que pour les distillateurs, ces derniers étant déjà usés par une campagne éclair et ses incertitudes sur ses volumes d’engagement et de financement. « Monter ces dossiers en deux semaines est une surcharge énorme pour nous distilleries » témoigne Bernard Douence, le président du groupe de distilleries éponymes, qui fait état de plus de 700 000 hl engagés sur le vignoble de Bordeaux. Pour le distillateur, tout le défi est désormais de distiller d’ici la mi-septembre ces vins excédentaires. « Les distilleries françaises se sont engagées à distiller 2 millions hl. Au-delà il faudra attendre après les vendanges (en novembre ou décembre). Il n’est pas possible de faire autrement » conclut Bernard Douence.
Alors que l'Association Générale de la Production Viticole (AGPV) doit se réunir cette fin de journée, des prises de position de la filière doivent suivre pour déclencher la clause de revoyure interministérielle.
Alors que de nouveaux chiffres indiquant les volumes régionalisés circulent dans le vignoble (sans être confirmés par FranceAgriMer), une seule donnée marque les esprits : seuls 60 % des vins engagés pourront être distillés en l'état (cliquer ici pour en savoir plus). La clause de revoyure ayant été activée, la filière attend désormais le temps des négociations, le vignoble restant dans l'incertitude pour la suite.
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