Quand je ne sais pas, je ne sais pas » pose Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer. Alors que la campagne de distillation de crise s’achève ce 19 juin à minuit, l’administration est bien en peine d’avoir de la visibilité sur l’avancement des enregistrements. « Même à FranceAgriMer ils ne savent pas quels sont les chiffres. Ils reçoivent des fichiers agglomérés des distilleries, mais certains contrats sont révisés et les souscriptions doivent être vérifiées (labellisation, Déclarations Récapitulatives Mensuelles) » explique le viticulteur héraultais.
Si l’administration est habituée à gérer jusqu’à la dernière minute les souscriptions aux mesures de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin), cette campagne de distillation laisse les observateurs dans l’incertitude. Les distilleries n’ayant elle-même pas de vision d’ensemble : pour certaines l’afflux de contrat serait énorme, pour d’autres il n’y aurait pas tant de demandes que ça. Tant que les chiffres ne sont pas finalisés par FranceAgriMer ce lundi 22 mai, il n’y a aucune certitude. Ou du moins il n’en reste qu’une : le seuil actuellement financé des 2 millions hectolitres de vins à distiller est dépassé. « D’après des sources professionnelles, il est clair que nous sommes arrivés au-delà des 2 millions hl pour lesquels nous avons un budget. Je suis certain qu’il n’y aura pas de sous-souscription, ni d’un raz-de-marée dans l’autre sens » estime Jérôme Despey. Le viticulteur languedocien précise ne pas savoir si les volumes engagés atteindront au final « 2,2 ou 2,4 ou 2,6 millions hl », mais il ajoute que ce n’est pas une surprise, la filière avançant un besoin de 3 millions hl depuis des mois.


Avec un budget actuellement fixé à 155 millions d’euros par le gouvernement, la distillation de crise devrait appliquer en l’état un taux unique de réduction des volumes engagés pour maintenir ses aides (58 €/hl pour les VSIG et de 78 €/hl pour les AOP et IGP). Soit un stabilisateur de 30 % des volumes si les 3 millions hl attendus sont bien enregistrés. « La demande de la profession est très claire : il faut faire en sorte que nous ayons les crédits pour réaliser la distillation de l’ensemble des volumes souscrits. Face aux marchés bloqués et à la veille de vendanges précoces, il faut éliminer le surplus en évitant toute réfaction » milite auprès de l’exécutif Jérôme Despey. En début de semaine, Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, l’annonçait déjà : « si le rythme d’engagement continue, il faudra réabonder l’enveloppe de financement pour être efficient ».
Une fois que les volumes enregistrés seront consolidés par FranceAgriMer, la filière vin compte enclencher une clause de revoyure avec les ministres de l’Agriculture et de l’Economie. L’occasion de pousser les demandes d’une aide au stockage privé à 0,04 €/hl et de négocier un élargissement des mesures d’exonérations de charges. « Avec le seuil de déclenchement actuel de 80 % de perte de chiffre d’affaires pour bénéficier de 100 % d’exonérations, l’agriculture et la viticulture sont exclues. C’est incompréhensible » soupire Jérôme Despey. Alors que le gouvernement évoque un décret déclenchant une exonération de 50 % des cotisations patronales pour une baisse de 50 à 80 % du chiffre d’affaires entre février et mai 2020, la filière vin demande résolument plus. « C’est très loin de ce que l’on avait compris des promesses ministérielles. Les aides sont largement insuffisantes aujourd’hui » regrette Jérôme Despey.
Le seul acquis de ce plan d’aide à la crise du coronavirus reste actuellement la déception qu’il engendre dans la filière vin.