einture et bretelles. Face à une réglementation aussi nouvelle qu’imprécise pour encadrer la prochaine campagne de traitements phytosanitaires, l’Union Générale des Viticulteurs pour l’appellation Cognac (UGVC) joue le principe de précaution. Lors de sa tournée des cantons du début 2020, le syndicat viticole conseille à ses adhérents d’adopter la lecture la plus stricte de leurs pratiques pour éviter les déconvenues. « Ça va changer la vie, et pas en bien » prévient Christophe Véral, le président de l’UGVC, ce 30 janvier à Blanzac-Porcheresse.
Principale nouveauté de l’arrêté du 27 décembre, la création de Zone de Non Traitement (ZNT) à proximité des habitations est source d’incertitudes. Pour définir les points de repère pour mesurer les distances, « le texte n’est pas très clair, il y a un flou. Par précaution, il faut considérer la ZNT à partir de la limite de propriété. Ce n’est pas l’idéal, mais cela permet d’être tranquille en cas de contrôle » souligne Alexandre Imbert, le directeur de l’UGVC.
Ce principe de distance de sécurité varie selon les produits et leurs modes de pulvérisation. Sont ainsi exemptés de ZNT les biocontrôles, mais aussi les traitements obligatoires contre la flavescence dorée. Cette dernière exception s’explique par protocole d’une maladie de quarantaine, mais ne manque pas de faire tousser : « c’est gênant quand il s’agit sans doute du traitement le plus dangereux de la saison » note Christophe Véral.
Actuellement, les ZNT incompressibles de 20 mètres ne concerneraient pas le vignoble de Cognac. Car les produits la déclenchant n’y sont pas utilisés (produits Cancérigènes Mutagènes et Reprotoxiques, les CMR 1, et certains produits classés toxiques, non utilisés dans le vignoble charentais) ou indéfinis (il n’existe pas de liste officielle et complète des perturbateurs endocriniens).


« Pour les autres produits, y compris le cuivre, les ZNT sont de 10 mètres » pose Alexandre Imbert. Le directeur de l’UGVC souligne le décalage entre l’affirmation du ministère de l’Agriculture, pour qui le cuivre est exempté de ZNT par l’arrêté, et l’appréciation des services administratifs locaux, qui considèrent que le cuivre n’est pas un biocontrôle. Partagée par tout le vignoble français, cette nécessité de clarification est d’autant plus fort à Cognac que le cuivre représente le tiers des traitements.
Un autre enjeu de clarification concerne les matériels de pulvérisation permettant de réduire les ZNT de 10 à 5 ou 3 mètres. Parue fin 2019, la note de service du ministère de l’Agriculture ne liste que le matériel réduisant les dérives de 66 %, pour un passage de ZNT à 5 m. « Aujourd’hui, on ne sait pas avec quel matériel on peut réduire de 90 la dérive et descendre à 3 mètres de ZNT » rapporte Alexandre Imbert, qui souligne qu’en l’état « le nombre de matériel listé dans l’arrêté permet à une majorité de viticulteurs de passer à 5 m. Avec les tournières en bout de rang, il est possible de traiter normalement. Pour le rang en bordure de propriété, je conseille de ne pas arracher tant que la liste de matériel réduisant à 90 % la dérive n’est pas connue. »
En l’état, la mise en place d’une ZNT à 10 mètres concernerait 8 000 hectares dans le vignoble de Cognac, pour un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros. Sachant que « les dispositions valent aussi bien pour les terrains avec une habitation et ses bâtiments d’agrément (piscine, abri de jardin…) que les zones sensibles* (écoles, hôpitaux…) » précise Alexandre Imbert. Si elles sont entourées de vignes, les habitations des vignerons sur les exploitations seront aussi concernées par les ZNT. « Mais il n’y pas obligation de se dénoncer » lance, pince-sans-rire, un vigneron en Bons Bois.


En 2020, les contrôles des modalités traitements se feront en effet par délation d’après les échos administratifs charentais. « Les peines d’amende et les risques d’emprisonnement sont assez dissuasifs pour ne pas prendre de risque » prévient Alexandre Imbert, qui souligne que le sujet des pesticides est autant politique que polémique. Face à des situations pouvant rapidement se tendre entre vignoble et voisinage, « il faut rester calme et serein. Il ne faut pas s’énerver et rester zen » préconise Christophe Véral. On n’est jamais trop prudent : balle antistress et méditation.
* : « Les arrêtés départementaux zones sensibles ne doivent plus être pris en compte » souligne Alexandre Imbert.
Défini par un récent décret, le principe des chartes entre riverains et viticulteurs se concrétise dans le vignoble de Cognac. Une charte est en cours de rédaction en Charente, avec un travail concerté entre la chambre d’agriculture et le vignoble sur un chapitre dédié à la viticulture. Signée en Charente-Maritime en décembre dernier, la charte départementale n’a pas reçu l’aval de la viticulture. Sa rédaction devrait être réouverte pour intégrer les textes parus depuis. L’UGVC souligne que le décret alimente également des interrogations, comme l’application sur le terrain de l’obligation d’information des riverains et passants sur les traitements des parcelles.