onfirmant les derniers échos, le nouveau dispositif gouvernemental de « renforcement de la protection des riverains lors de l’utilisation des produits phytosanitaires » vient d’être dévoilé ce 20 décembre : dès le premier janvier 2020, « les utilisateurs sont encouragés à déployer des chartes d’engagements en concertation avec les riverains et des mesures de protection devront être mises en place, incluant des distances minimales à proximité des lieux d’habitation ». Devant être rapidement publié, l’arrêté interministériel va compléter les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) des pesticides en imposant des Zones de Non Traitement (ZNT) aux phytos qui ne sont pas « à faible risque » ou de biocontrôle (voir détail en encadré).
Attendues depuis l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 juin dernier annulant l’arrêté encadrant les traitements phytos « au regard des enjeux de santé publique et de protection de l’environnement », ces évolutions ne surprennent pas les élus du vignoble, pour qui le débat est moins sur les propositions que sur l’accompagnement pour réussir leur mise en place. « On peut être d’accord ou pas sur ces mesures, mais le ministre de l’Agriculture a été cohérent depuis le début sur ce sujet » note Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France (VIF).


« On savait que l’administration avait une position assez ferme sur ce sujet » renchérit Maxime Toubart, le président du Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV), qui souligne que face aux attentes sociétales, le vignoble ne peut être dans une simple opposition effarouchée et doit jouer la co-construction pour répondre aux attentes sociétales. « Avec la protection des populations en périphérie de nos exploitations il s’agit de santé publique. On l’a bien compris et on tend la main pour y répondre collectivement. On ne peut pas demander à la filière viticole de trouver seuls toutes les solutions » précise-t-il.
Favorables aux chartes riverains, Maxime Toubart attend des pouvoirs publics la bonne prise en compte des données scientifiques sur les réductions de risque d’exposition : « laissez-nous le temps de fournir des éléments tangibles et objectifs pour prouver l’efficacité des haies, la capacité de notre matériel à éviter au maximum les dérives… J’espère beaucoup de notre capacité à avancer ensemble. »
Au-delà du débat sur les enjeux techniques, Jean-Marie Fabre s’alarme du manque de compensation financière face à une réduction soudaine des surfaces pouvant être protégées, et donc cultivées. « La mise en place de ZNT va induire des pertes de valeur. Il va y avoir un manque à gagner direct sur la trésorerie des exploitations et une perte de capital dans le bilan des entreprises. Ces deux leviers peuvent perturber la pérennité des entreprises » alerte le vigneron audois.
Si le gouvernement indique un soutien au monde agricole pour investir dans de nouveaux matériels (25 millions d’euros en plus des aides existantes), c’est bien l’impact économique de ces mesures qui inquiète dans le monde viticole, alors que ces nouvelles mesures sont à application immédiate. Région devant être la plus touchée, la Champagne voit 1 000 hectares concernés par la ZNT à 10 m. « C’est terrible. L’impact économique va être compliqué à gérer. Mais nous n’y sommes pas encore, il faut d’abord réfléchir et travailler. Nous avons reçu l’engagement que si nous étions capable d’amener des arguments scientifiques pour réduire les ZNT, ils seraient pris en compte » nuance Maxime Toubart


Si ces ZNT inquiètent dans le vignoble, leur mise en place pourrait ouvrir une opportunité de protection des espaces agricoles face à la pression urbaine. La filière vin travaille ainsi depuis novembre avec des parlementaires pour que les coûts des ZNT incombent aux promoteurs des futures surfaces urbanisées. « Il faut profiter de cette évolution réglementaire pour transférer les charges de ces zones de transition aux aménageurs. Qu’ils ne s’implantent plus en limite de propriété et mettent en place sur leurs terrains les ZNT » explique Jean-Marie Fabre. Une façon de rappeler à chacun ses responsabilités et ne plus alimenter une opposition délétère entre les agriculteurs et leurs riverains.
D'après le communiqué gouvernemental, des « distances minimales à respecter entre les zones de traitement et les zones d’habitation […] seront fixées à 20 mètres incompressibles pour les substances les plus préoccupantes et 10 mètres pour [les autres produits en] viticulture ».
Ce dispositif se complexifie au niveau local avec des dérogations envisageable à la proximité de riverains qui ne sont pas assimilables à des « lieux hébergeant des personnes vulnérables (maisons de retraite, écoles, etc) ». Se couplant à des chartes départementales pilotées par la préfecture et réunissant les mondes agricoles et civils, les ZNT pourront être réduites jusqu’à 3 m grâce à l’usage de matériels limitant « la dérive de pulvérisation (buses à injection d'air, panneaux récupérateurs dans les parcelles de vigne, matériel de traitement dit « confiné », etc.). Au vu des connaissances disponibles, ces distances peuvent actuellement être réduites jusqu'à 3 mètres » au vignoble souligne le dossier de presse interministériel.