J’ai pris la décision de m’exclure volontairement de l’AOC Bergerac » annonce tranquillement Bruno Bilancini, à la tête de château Tirecul La Gravière, 14,5 hectares, certifiée en bio depuis 2012, implanté à Monbazillac. De fait jusqu’au millésime 2017, il revendiquait l’AOC Bergerac pour ses blancs secs. Une production de 10 000 bouteilles par an. Pour le millésime 2018, il a basculé en vin de France. Une stratégie également menée pour ses vins rouges (25 000 cols par an) désormais commercialisés en vin de France.


Avant de sortir de l’AOC Bergerac, Bruno Bilancini a pris la température auprès de quelques-uns de ses clients importants. Ses vins sont distribués par le réseau des CHR, auprès des particuliers et des importateurs (60% de l’activité à l’export). Ces derniers lui ont donné un blanc-seing. Bruno Bilancini ne regrette pas son choix : « Je préfèrerais porter haut et fort les couleurs de Bergerac. Mais cette AOC ne véhicule pas une bonne image. On est tout de suite catalogué parce qu’on vient de Bergerac. On nous range dans la case des petits vins, la cinquième roue du carrosse, loin derrière Bordeaux. Nous sommes face à une incohérence : nous faisons des vins extrêmement qualitatifs sur de très beaux terroirs, mais nous nous heurtons à un plafond de verre donné par le nom même de Bergerac, et par les à priori qui ont la vie dure. En fait l’AOC nous dessert « explique-t-il. Et de regretter qu’il n’y ait qu'une seule communication pour les Bergerac, axée sur des vins de copains, des vins sympas. « Les grandes cuvées, les grands terroirs ne sont pas mis en avant. Il n’y a pas de communication plurielle » lâche-t-il.
Depuis 25 ans, cet œnologue de formation, crée des vins que les dégustateurs qualifient « d’exceptionnels ». Ainsi Robert Parker qui attribuera par deux fois la note maximale de 100/100 à la cuvée Madame, considérée comme l’un des plus grands liquoreux. « Si je n’avais pas croisé un importateur américain qui a présenté mes vins à Robert Parker, on n’en serait pas là" confie-t-il. Le critique Jeb Dunnuck marchera dans les pas de Parker. Lui aussi attribuera 100/100 pour les cuvées Madame de 1995 et 2001.


C’est en 1992 que Bruno et son épouse Claudie, reprennent la propriété en fermage, avant d’en faire l’acquisition en 1997. Le terroir est situé sur le meilleur coteau de la région, sur la Côte Nord, à l’abri du vent. La propriété est en piteux état. Les débuts sont difficiles. Mais les premières cuvées sont très bien accueillies. « Nous produisons le meilleur du possible, sans faire de concession sur la qualité » indique-t-il. L’homme est discret, peu attiré par l’œnotourisme, ou les routes de vins. « Nous voulons laisser parler ce que l’on produit « répète-t-il. Pour faire le meilleur vin, il réalise un travail "de haute couture" qui se fait en grande partie manuellement, notamment les effeuillages et vendanges en vert. Les rendements sont minimalistes (10hectos/ha pour les liquoreux, 40 pour les blancs sec, 30 pour les rouges), des pressurages très lents et non automatisés, des vendanges réalisées grain par grain, une densité à 5300 pieds. L’élevage des vins peut être très long, jusqu’à trois ans et demi.
La prochaine cuvée en rouge vin de France sortira cet été. 8 000 cols proposés entre 22 et 25 euros la bouteille.