e qualificatif de "millésime du siècle" ne sera jamais bien loin pendant la semaine de dégustation en primeur 2018 qui s’ouvre. Dans certaines propriétés classées, on n’hésite pas à faire appel aux souvenirs mythiques de 1947 ou 1961 pour donner un supplément de prestige à la déjà bonne réputation du millésime en cours d’élevage.
Réussissant à allier la richesse de maturités solaires et tanniques à des équilibres propices à la garde, les échantillons de 2018 ont tout pour séduire les dégustateurs venus du monde entier.
Après des primeurs 2017 moroses*, les grands crus commencent à envisager des hausses sensibles pour la campagne 2018. Ce qui n’est pas du goût du négoce, qui sort le millésime 2016 en livrable, qui bénéficie d’une excellente réputation et de prix ayant globalement peu changé depuis les primeurs.
« Quand il y a un grand millésime, la propriété a toujours tendance à augmenter ses prix » constate Fabrice Bernard, le président du négoce Millésima, qui est lui-même dans son rôle habituel en appelant à la tempérance, mais avec un argument des plus mathématiques : « Bordeaux ne baisse pas assez le prix de ses petits millésimes et ne monte pas assez ses prix sur les grands millésimes. Comme il n’y a pas eu assez de baisses sur 2017, il ne peut y avoir de fortes hausses sur 2018. »
Entre les incertitudes économiques et la qualité du millésime, « je pense que tout le monde est conscient, tant les viticulteurs que les négociants, qu’il faut que les prix correspondent à ce que le marché peut attendre » analyse Philippe Castéja, le PDG du négoce Borie-Manoux. « Avoir un grand millésime à vendre, c’est rassurant pour tout le monde » ajoute le président du conseil des Grands Crus Classés en 1855, pour qui l’enjeu est de fixer une hausse des prix raisonnables.


« Il vaut mieux avoir des regrets que des remords » tranche Fabrice Bernard. Pour le négociant, le meilleur indicateur de la capacité d’une propriété à augmenter son prix en primeur est « le prix de vente actuel de son 2010. Selon sa valorisation chez un caviste par rapport aux primeurs, on peut voir quel serait un prix de départ cohérent, tout en laissant de la marge à l’ensemble du réseau » explique-t-il. Reconnaissant que la petite plus-value réalisée sur les primeurs 2016 et 2010 doit peser pour une modération des hausses.
Mais contrairement aux généreuses vendanges 2016, le millésime 2018 présente un volume disponible moindre. « On ne s’attendait pas à ce qu’il y en ait aussi peu » confirme Philippe Castéja. Ce qui apporte de l’eau au moulin des espoirs des grands crus de faire passer une hausse conséquente de leurs prix en primeur.
* : Le contrecoup du gel ayant causé un accueil critique mitigé, face à des qualités parfois hétérogènes, mais surtout avec des volumes qui n’étaient pas au rendez-vous.