iraculé au vignoble, le millésime 2018 a Bordeaux affiche des maturités et des équilibres qui doivent désormais séduire les dégustateurs venus du monde entier pour la semaine des primeurs. Si les maîtres de chai des grands crus sont ravis d’avoir de si beaux échantillons à proposer, ils gardent pour eux leurs craintes concernant un millésime idéal pour le développement de Brettanomyces bruxellensis. Quand ils ne taisent pas les développements éclairs de Brett qu’ils ont déjà pu connaître pendant des fermentations alcooliques plus souvent languissantes, entre les hauts degrés et les relargages de sucre (cliquer ici pour en savoir plus).
« Effectivement les pH sont plus hauts que d’habitude. Il faut être vigilant sur la microbiologie, mais il n’y a pas de tendance à une explosion généralisée des Brett » tempère Simon Blanchard, associé consultant du cabinet Derenoncourt. L’œnologue étant d’autant plus prudent qu’il estime le millésime 2018 difficile à caractériser. « Les pH élevés et les difficultés fermentaires ne sont pas généralisés. Il y a un enjeu d’hétérogénéité à cause d’une pluviométrie très variable au printemps, ayant causé une pression mildiou plus ou moins forte et des concentrations différentes » rapporte le consultant.
Nettement plus inquiète, Sylvie Biau, la cofondatrice et responsable des analyses du laboratoire Sovivins, estime que « 2018 est un terrain idéal pour Brett. Comme tous les millésimes riches, avec des pH hauts et des degrés alcool élevés laissant des sucres résiduels. » Elle préconise en conséquence un suivi précis des lots, avec un bilan physico-chimique de tous les vins dès la fin de fermentation malolactique. Ces analyses permettant de déterminer les lots les plus à risque (à pH élevés et avec des sucres résiduels, ayant connu des fermentations languissantes…). Sylvie Biau conseille un suivi mensuel de ces lots, en termes de populations levuriennes et de teneurs en phénols volatils. Les autres lots étant suivis tous les deux à trois mois, selon l’historique de la propriété en matière de Brett.


« Il faut cibler les analyses pour agir au plus tôt, avant que l’on n’atteigne des paliers et qu’il faille traiter » alerte Sylvie Biau. Des traitements correctifs seraient d’autant plus dommage que la matière et le volume de ce millésime 2018 sont remarquables. Et que les obtenir a déjà coûté cher au vignoble en termes de soins et d’inquiétudes.