Conservatoire du Vignoble Charentais

20 ans de mise en capital de la biodiversité du Cognac

’il compte pour 98 % du vignoble de Cognac*, l’ugni blanc est le cep qui cache une biodiversité charentaise insoupçonnée, et inattendue. Depuis 1998, ce patrimoine variétal est minutieusement prospecté et conservé, pour ne pas dire ressuscité, par le Conservatoire du Vignoble Charentais (CVC). « Au pays où l’ugni blanc est roi, nous avons recensé 81 cépages… C’est beaucoup, on ne pensait pas en trouvant autant » reconnaît, sans feindre sa surprise, l’ampélographe Thierry Lacombe (Institut National de la Recherche Agronomique de Montpellier), lors des vingt ans du CVC, ce 6 septembre à Cherves-Richemont.

Qu’il s’agisse de vignobles abandonnés ou de treilles ancestrales, 300 sites charentais ont été prospectés en 20 ans par les équipes et partenaires du CVC. Ces recherches aboutissant donc au recensement de 81 cépages (chauché gris, monbadon, montils, Vidal 36…), mais aussi de 60 lambrusques (des vignes primitives, Vitis sylvestris) et d’une kyrielle de porte-greffe. « Le patrimoine existe, il faut puiser dedans pour l’exploiter et le valoriser » résume Sébastien Julliard, qui dirige le CVC depuis son origine.

Utiles à l’avenir

La découverte de cépages portés disparus ou inconnus au bataillon n’alimente pas seulement la fibre archéologique d’ampélographe ou la collection d’un conservatoire scolaire. Grâce aux liens tissés avec milieux de la recherche et de la pépinière, le CVC est devenu une source stratégique dans la création variétale charentaise, afin de répondre aux enjeux de ses productions (qu’il s’agisse des AOC Cognac et Pineau des Charentes ou de l’IGP Vins Charentais).

Ainsi, « les lambrusques peuvent être utiles à l’avenir, certains possédant des caractères intéressants de fertilité et de résistance à l’oïdium » explique ainsi le docteur en ampélographie Jean-Michel Boursiquot (Montpellier Supagro). « Les cépages anciens peuvent apporter une pièce manquante à l’arbre généalogique des cépages célèbres. Comme la Magdeleine noire des Charentes qui est la mère du merlot. Cette information donne de nouvelles options de géniteurs pour des programmes d’obtention, au lieu d’utiliser un cépage réputé, on peut recourir à son parent » renchérit l’ingénieur-œnologue Olivier Yobregat (Institut Français de la Vigne et du Vin Sud-Ouest).

Nouveau tournant

Actuellement, 200 accessions sont plantées sur les 70 ares de la collection de Richemont. « On est arrivé aux limites du terrain » reconnaît Sébastien Julliard, qui compte rapidement mettre à profit les 3 hectares de terrains cédés par la commune de Cherves-Richemont pour planter de nouvelles vignes retrouvées. À commencer par les porte-greffe. Cette perspective d’extension doit marquer un tournant pour les 20 ans du CVC, pour pérenniser ses missions d'identification et de protection. Ce qui s’inscrit dans une course contre la montre, alors que le patrimoine d’anciennes vignes s’érode mécaniquement.

Perte de mémoire des gènes

« Avec essentiellement quatre clones d’ugni blanc, le vignoble charentais a tendance à perdre une part de son histoire viticole et de son patrimoine génétique » s’inquiète Patrick Raguenaud, le président du Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC). Pour le négociant, « cette perte de mémoire des gènes » présente un risque d’affaiblissement auquel répond le CVC en « conservant et utilisant des cépages anciens pour créer des variétés répondant aux besoins du Cognac, en termes de qualité, résistances aux maladies et adaptation au changement climatique ». Des enjeux de moyen et long termes qui devraient encore laisser des jours heureux à l’hégémonie de l’ugni blanc.

* : Suite à la crise phylloxérique et à sa meilleure aptitude au greffage que la folle blanche, précédemment le cépage majoritaire dans l’élaboration du Cognac.