De mémoire d’homme, on n’avait jamais vu une telle pression du mildiou. Dans l’Aude, il y aura cette année plus de pertes liées au mildiou qu’à la grêle. Et les dégâts sont très hétérogènes : au niveau de la cave, il y a des parcelles qu’on ne vendangera pas, alors que d’autres ne sont absolument pas touchées », témoigne Ludovic Roux, président de la coopérative des Terroirs du Vertige à Talairan. La lutte contre le champignon a été particulièrement ardue pour les viticulteurs bio. A la coopérative de Montagnac, les 40 ha qui sont en bio ne seront pas vendangés, la récolte est perdue, indique le directeur Jean-Louis Reffle. Leader français des vins bio, la cave des Vignerons d’Héraclès à Codognan, s’en sort mieux. Son président Jean-Fred Coste estime entre 15 à 20% la perte de volume liée au champignon. « Nous avions une très belle sortie. On tablait sur une récolte de 70 000 hl. Le mildiou l’a réduite à 60 000 hl. Ce sera quand même mieux quand l’an dernier où la sécheresse avait ramenét nos volumes à 53 000 hl ».
Le mildiou n’a pas qu’un impact quantitatif sur la récolte. Il peut également affecter qualitativement la vendange.
« La présence du mildiou sur feuille a des conséquences sur la maturation, car il réduit l’activité photosynthétique des feuilles. Une feuille avec 20% de mildiou perd 50% de son activité chlorophyllienne. Si la feuille est atteinte à 50%, son activité chlorophyllienne est réduite à zéro », indique Jacques Rousseau de l’ICV. Il convient donc de bien repérer les parcelles atteintes sur feuille et d’adapter les itinéraires de vinification en faisant par exemple du rosé avec les raisins rouges qui peinent à mûrir.
Jacques Rousseau nuance néanmoins cet impact sur la maturité. « Cette année, on a plus de feuilles que d’habitude, il reste du feuillage actif qui peut compenser l’inefficacité des feuilles atteintes. Le rapport surface foliaire exposée/poids de la récolte n’est pas si dégradé. Par ailleurs quand il y a eu des attaques précoces sur grappes, il y a moins de raisins. La maturité est donc plus facile à atteindre ».
La présence de rot brun sur les raisins altère la qualité des vins. Des essais menés en 2008 par l’ICV en témoignent, tout comme ceux réalisés en 2009 par la chambre d’agriculture de la Gironde.
Les vinifications menées par l’ICV sur un Merlot touché à 30% par le mildiou comparativement à un témoin sain, mettent en évidence une plus grande concentration des vins issus de la vendange altérée, avec une forte augmentation de l’acidité volatile (0,62 contre 0,38 pour le témoin). A la dégustation, les vins issus de la vendange atteinte par le mildiou paraissent plus structurés (plus de volume, plus de tannins), mais moins fruités et avec une sécheresse plus marquée. Les conclusions de Jean-Christophe Crachereau de la Chambre d’Agriculture de la Gironde vont dans le même sens. A l’analyse sensorielle, il note une dégradation de la perception des couleurs, une diminution de l’intensité aromatique avec augmentation des notes végétales, une diminution du volume et une augmentation marquée de la sécheresse. L'impact est perceptible dès 5 % de grappes attaquées. Au-delà de 10 %, la qualité des vins est jugée dépréciée.
Là encore, Jacques Rousseau nuance. « Avec la canicule qui a suivi ces attaques de mildiou sur grappes, les grains atteints se sont desséchés. Ce ne sont pas les conditions bordelaises. Avec la récolte mécanique, une bonne partie devrait tomber au sol avec les vibrations ».
L’ingénieur agronome de l’ICV attire par contre l’attention sur la très grande hétérogénéité de la maturation. « C’est une des difficultés de ce millésime. D’après les premiers retours des caves, il y a de grosses surprises entre les résultats des contrôles de maturité et ce qu’on obtient réellement quand les raisins sont en cuve ».